Au début des années 2000, un peu poussé par la monstrueuse baffe qu'a été The Matrix, je me suis mis à regarder beaucoup de cinéma asiatique. On pense bien sûr aux films chinois ou japonais, mais un outsider commençait aussi à faire son apparition : la Corée. Cinéma (re)naissant, il m'aura laissé beaucoup de bons souvenirs, avec des films comme Volcano High, Old Boy ou encore Memento Mori. Quelques années après un film m'a rappelé à l'ordre : Dernier Train pour Busan. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il m'a remis sur les rails des films venus de Corée bien comme il faut !
Date de sortie : 17 Août 2016 (en France)
Réalisateur : Yeon Sang Ho
Nationalité : Sud coréenne
Genre : Thriller, zombies
Synopsis : Sok-woo, vivant à Séoul, est un trader stressé et un père beaucoup trop absent : il rate la fête de l'école de sa fille Soo-anh et lui offre un cadeau qu'il lui avait déjà offert auparavant. Quand cette dernière lui dit alors qu'elle veut retourner à Busan pour aller vivre chez sa mère, Sok-woo décide de l'accompagner pour tenter de renouer les quelques liens qu'il lui reste. Le lendemain, lors de l'embarquement à bord du train rapide pour Busan, une fille à l'état incertain monte à bord, et alors que le train démarre le quai semble envahi d'une horde de personnes enragées...
Avertissement : Le film réserve plusieurs scènes assez gore, avec notamment des représentations graphiques de mort et de sang.
Un film de zombies comme on les aime
Prévu à la base comme un film d'animation, Dernier Train pour Busan est au final le premier film live action du réalisateur Yeon Sang Ho. Et quelle première fois ! Si le démarrage est un peu lent, chose courante dans le cinéma coréen, une fois lancé le train nous tient en halène jusqu'au bout, pour nous donner ce qui est probablement le meilleur film de zombies de ces 10 dernières années.
En effet, bien que restant dans les codes des films catastrophes à base d'êtres putréfiés, avec des références présentes mais toujours bien digérées, le traitement arrive à nous faire vivre quelque chose de nouveau, en redonnant de l’intérêt pour un genre qui commençait à s'épuiser. Le choix du lieu y est déjà pour beaucoup : le train, un KTX (train rapide coréen basé sur ce bon vieux TGV français) apporte une dimension d'enfermement qui ajoute de plus en plus de tension au fil du métrage. Et oui, dans une rame lancée à grande vitesse avec des zombies se multipliant, pas d'autres échappatoires possibles que le wagon suivant. Les personnages vont devoir d'ailleurs exploiter à fond les quelques faiblesses des zombies, qui, si elles peuvent paraitre un peu artificielles coté scénario, rajoutent encore à la tension générale.
Bien sûr, le train ne fait pas tout et certains passages ont lieu dans d'autres environnements tout aussi inquiétants. Que ce soit les gares vides ou les aiguillages de lignes trop calmes pour être honnêtes, aucun endroit n'est vraiment tranquille. Au final, les personnages ne s'arrêtent jamais, même hors du train et continuent à aller vers le seul chemin du salut, Busan, sans même savoir si cette place sera à l'abri de quoi que ce soit, et à n'importe quel prix.
Le coté humain au premier plan
Car oui, si le huis clos et la linéarité créés par l'enfermement dans un train pose l'ambiance, le film présente aussi et surtout des personnages humains, réels et crédibles. Ici point de gros badass hyper musclé qui tire partout, ce sont des personnages lambda de la classe moyenne coréenne qu'on a en face de nous.
Des personnages avec leurs forces, leurs faiblesses, leurs travers et leurs évolutions. Des personnages qui ont peur, qui préféreront fuir autant que possible et ne se battront qu'en cas d’extrême nécessité. Des personnages altruistes prêts à aider les autres, mais aussi parfois des personnages d'un égoïsme noir, qui vont préférer faire passer leurs intérêts avant celui du groupe. Sok-woo, le premier personnage qu'on suit est d'ailleurs de ceux-là, ce qui ne va pas faciliter les choses : beaucoup de conflits et de problèmes vont venir d'actes individualistes ou irrationnels. Human doing human et le film nous rappelle à chaque seconde qu'au final, ce qui nous tombe sur le coin du nez vient souvent de nous-même.
Un engagement
Et oui, au-delà d'une invasion de zombies, le vrai problème reste ici l’élément humain. Que ce soit l’égoïsme de quelques-uns, les responsabilités des capitalistes, qui a sa part de responsabilité dans la catastrophe, ou encore la réaction complètement disproportionnée du gouvernement qui appelle au calme comme si ce n'était qu'une simple émeute en faisant croire que tout va bien : les vrais monstres ne sont pas ceux que l'on croit. Je ne m'avancerai pas non plus trop, n'étant pas natif ni expert de la Corée du Sud, mais ce film sonne comme une critique face au capitalisme et à l'État coréen, créant des vagues de problèmes (ici représentées par les zombies) et ne pouvant même pas y faire face. Certains avancent même des théories qui feraient penser que dans le film le gouvernement participe lui-même à l'invasion :
Attention spoiler
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Même si je n'y crois pas personnellement, la simple existence de cette théorie montre que le film pousse à douter du gouvernement, et à ne pas suivre aveuglément ses dires.
Il est à noter d'ailleurs que la ville de Busan, étant a priori la dernière destination sûre dans l'univers du film, représente aussi une sorte de résistance face aux autorités, notamment via son festival de cinéma qui est connu pour s'opposer régulièrement à une censure gouvernementale assez marquée, ou plus symboliquement car elle a été pendant la guerre de Corée le dernier point à résister à l'invasion nord-coréenne.
Bref, le film étant encore en salle à l'heure où cet article sort, je ne peux que vous conseiller vivement d'y aller. Je ne vais volontairement pas en rajouter pour vous laisser un maximum de surprise (vous n'avez pas cliqué sur les balises spoiler de toute façon hein ?), mais sachez que le film vous réserve encore pas mal de surprises.
L'univers dépeint ne va d'ailleurs pas s'arrêter là, un autre film parallèle, Seoul Station est déjà sorti en Corée (et prochainement en France) en montrant cette fois l'autre coté de la catastrophe : ce qui se passe à Séoul avant et pendant que le train part.
Cultivez-vous, même dans le train !
Forky
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