[DTFIS] Suis-Je Misandre ?

"Nan mais tu dis ça parce que t'es misandre en fait !"  Quelle personne adhérant de près ou de loin au féminisme n'a jamais entendu cette phrase ? L'argument de la misandrie est souvent donné pour invalider un propos visant à parler de la position des hommes dans notre société et est souvent critiqué par les personnes taxées de ce mot apparemment dégradant. J'en suis donc venu moi-même à me poser la question, suis-je bel et bien misandre ou ai-je tendance à un peu exagérer les choses ? Et bien voyez-vous, c'est une interrogation face à laquelle je me trouve bien embêté pour répondre. Cependant je vais tâcher d'apporter des éléments qui permettraient de trancher d'un côté ou de l'autre. Mais tout d'abord, il faut définir clairement le concept dont je parle ici et, comme le dit l'adage populaire : "Quand tu sais pas, demande à Wikipédia ! " La misandrie [...] est un trait de caractère qui se manifeste par un sentiment de mépris ou d'hostilité à l'égard des hommes. Il s'agit, comme son équivalent à l'égard des femmes (la misogynie), d'une forme de sexisme."

Nous avons donc ici une définition purement étymologique du terme et qui occulte, d'après moi, la raison sociologique de l'apparition de ce sentiment. La définition du Century Dictionary de 1909 remédie à cela en proposant la définition suivante : "Misandrie : la haine de l'homme, mauvaise opinion de l'homme, considéré comme injuste et oppresseur envers les femmes". La misandrie ne serait donc pas sans origines mais apparue en réaction au système patriarcal.

"C'est quoi un système patriarcal ?"

Excellente question projection de mon esprit d'un commentateur imaginaire ! Pour te répondre simplement, il s'agit du système dans lequel nous vivons et qui a la fâcheuse tendance à considérer les hommes supérieurs aux femmes dans la plupart des domaines. Les exemples les plus simples et les plus utilisés comme preuves sont les écarts de salaire entre hommes et femmes (Source), la faible proportion de femmes occupant des postes dits "prestigieux" comme dirigeant de société ou responsable politique (Source), les nombreuses blagues déconsidérant la femme mais très peu les hommes (ça vous rappelle rien?) ou encore les pubs...

 

La prise de conscience d'un tel système a naturellement mené à l'apparition d'un courant de pensée le dénonçant : le féminisme. Je ne développerai pas ici les idées de tous les différents courants féministes existants pour deux raisons principales :

  • Beaucoup d'autres le font mieux que moi.
  • Il serait absurde en tant qu'homme de parler de sujets concernant exclusivement les femmes car je ne subis pas du tout les mêmes oppressions que ces dernières (tout comme en tant que blanc, je suis loin d'être le mieux placé pour parler de racisme). Cela n'empêche pas bien sûr d'avoir un avis mais il ne serait peut-être pas pertinent et forcément moins détaillé que celui de quelqu'un vivant quotidiennement ces agressions. L'article ne se résumerait donc qu'à une longue série de liens que je vous inviterai à lire, ce qui n'a pas grand intérêt vous l'avouerez.

Je vais donc me limiter aux sujets de réflexions concernant directement, voir exclusivement les hommes. Cependant, si vous souhaitez vous intéresser au mouvement féministe plus globalement, je peux vous conseiller trois liens:

Ceci étant fait, attaquons-nous au cœur du problème : l'homme. Finalement qu'est-ce que je lui reproche pour en venir à me dire que je le déteste peut-être ? Ce sont principalement toutes les petites remarques que j'ai subi de leurs parts et qui ont pourri une partie de ma vie. Si aujourd'hui je les entends encore régulièrement, j'ai appris à m'en foutre royalement mais ce n'a pas toujours été le cas malheureusement. Histoire que vous compreniez bien je vais vous donner quelques exemples issus de mon expérience personnelle et qui m'ont marqué.

Le premier qui m'est venu à l'esprit en écrivant cet article provient de mes années au collège. J'étais tranquillement assis sur un banc improvisé (un pauvre muret à moitié cassé si vous voulez tous les détails) et une des personnes en présence lâche en ma direction, sans véritable raison : "T'en as pas marre de t'asseoir comme une meuf ? Tu veux pas t'asseoir comme un vrai mec ? " Étonné par la remarque, je lui demande donc naturellement ce qu'il entend par là. C'est à ce moment qu'il me fait remarquer que j'ai les jambes croisées tandis que tous les autres sont assis en écartant les cuisses, de manière à bien prendre un maximum d'espace. Ça peut vous paraître stupide mais cette conversation s'est gravé dans ma mémoire car, d'autant que je me souvienne, c'était la première fois que je prenais conscience que les hommes et les femmes ne devaient pas se comporter de la même façon et qu'il était honteux pour un homme d'avoir des attitudes féminines. Mais ne brûlons pas les étapes et passons joyeusement (*hum*) à la suite.

De très (trop) nombreuses fois dans ma vie, j'ai eu droit à la remarque suivante : " Mais fait du sport, ça te rendra plus musclé ! " Le pire c'est que je suis convaincu que les personnes qui m'ont dit ça pensaient être gentilles et m'aider. Étant asthmatique et de nature plutôt chétive, il faut avouer que l'idée de me battre ou de soulever de la fonte m'excite autant que de lire du Balzac traduit en russe voyez-vous. Depuis tout petit la violence me paraît être superflue et les quelques mauvaises expériences que j'ai eu avec cette dernière n'ont pas franchement amélioré ma vision de la chose. Alors certes le sentiment d'impuissance m'a poussé à faire des sports de combat pendant quelques années mais ces derniers n'ont fait que confirmer ce que je pensais déjà de la force physique: être plus fort physiquement n'a pour finalité que d'avoir le pouvoir d'opprimer les plus faibles et donc d'asseoir sa domination. La force est un pouvoir comme un autre et "un grand pouvoir implique de grande responsabilité" (j'ai réussi à croiser Star Wars et Spider-Man dans un texte sur la misandrie ! Achievement get !). Cela implique notamment la responsabilité de ne pas se comporter comme un connard ! Ce n'est pas parce que l'on a la possibilité de faire pression sur quelqu'un par la force que l'on est obligé de le faire ! Le pire c'est qu'il s'agit d'une critique que je fais également à moi-même car j'ai remarqué avoir beaucoup plus tendance à envisager la violence comme une solution depuis que j'ai fait des arts martiaux. C'est d'ailleurs assez dramatique car la philosophie de ces sports est justement de ne pas se comporter ainsi, mais il est compliqué lorsque que l'on possède un pouvoir, aussi infime soit-il, de ne pas l'utiliser. Donc oui, je n'ai pas beaucoup de force et tenter d'en acquérir ne m'a pas forcément bonifié donc je n'en veux plus, merci et au revoir !

Dans le même style de remarque sur le plan purement physique, on m'a souvent reproché de ne pas m'habiller de manière "classe". Naturellement je leur ai demandé ce qu'ils entendaient par là et la réponse a été systématiquement :"Bah genre des fringues de marques quoi !" Donc, si je comprends bien, être classe ne signifie pas avoir une harmonie dans son apparence ou posséder un style propre ou je ne sais quoi d'autre mais bien d'exhiber à la face du monde sa richesse matérielle au travers de fringues hors de prix ? Alors je sais pertinemment que l'apparence, et plus particulièrement les fringues, sont vecteurs d'une affirmation d'appartenance à une communauté. Par exemple avec mes t-shirts trouvés sur Qwertee et mes jeans, je montre mon appartenance à la communauté geek (ou du moins une partie de cette communauté car le sens qu'a pris ce mot est extrêmement large mais ce n'est pas le propos). Ainsi ce que je critique dans cette démarche n'est clairement pas ceux qui s'expriment au travers de leurs vêtements mais les abrutis qui souhaitaient me voir abandonner mon style volontairement négligé pour un style créé dans l'unique but de montrer sa richesse à la face du monde. D'ailleurs on peut légitimement se demander pourquoi ces personnes ressentent le besoin de se montrer ainsi. Il y a deux raisons principales d'après moi : rendre jaloux les autres et plaire. À la limite de plaire à eux-mêmes mais surtout de plaire à la femme qui, forcément, tombera amoureuse de l'image de porte-feuilles sur patte que vous essayez de donner. Parce que c'est bien connu, ce qui plaît c'est la thune et jamais la personne qui la possède. Et ce constat nous amène tranquillement vers la dernière remarque que des hommes m'ont faite qui m'énerve plus que tout.

"T'es toujours puceau ?" ou encore "Quoi ? Tu l'as pas baisée !" Vous noterez le féminin dans la dernière car les hommes qui m'ont proféré ces absurdités étaient hétéros et persuadés que tout le monde est hétéro mais passons... Je vais essayer de répondre calmement à cette remarque mais ce ne sera pas facile, aussi je m'excuse d'avance si je parais un peu méchant. Donc ma réponse serait sans doute : "Et bien non, désolé de te décevoir mais le but de mon existence n'est pas de coucher avec toutes les filles qui m'adressent la parole afin de remplir un tableau de chasse. Je peux parfaitement avoir une relation normale avec une personne du sexe opposé (oui je vous rappelle que je parle à des hétéros un peu bêtes) sans chercher à avoir une relation sexuelle avec. Ça te la coupe hein ?" Cependant je vais être honnête avec vous, je n'ai pas toujours cette réaction et la culture mainstream dans laquelle le héros se tape toujours la meuf à la fin couplée à ces remarques ont fait que j'ai cherché par tous les moyens à découvrir ce monde soi-disant merveilleux de la relation intime. La conclusion c'est que j'ai réussi mais que ce n'est ni une fierté ni forcément un bon souvenir. Mais ça aura au moins eu le mérite de me faire relativiser sur cette connerie d'injonction à coucher avec toutes les personnes que je croise. Et puis, une fois de plus, pourquoi l'homme est-il aussi obsédé ? Quel est l'intérêt à part pouvoir dire "Regardez, c'est moi qui ai la plus grosse ! J'ai réussi à traîner (insérer un nombre ici) filles dans mon lit ! Je suis sûr qu'elles n'ont même pas appréciés mais je vais m'auto-convaincre en te disant à quel point c'était formidable !" On est une fois de plus dans un rapport de force et de domination. L'homme ayant une vie sexuelle plus active serait donc "supérieur" aux autres.

Je pourrais donner d'autres exemples de phrases que l'on m'a déballées mais je ne pense pas que ce soit nécessaire, les précédents exemples sont déjà assez significatifs d'après moi. Il est donc temps d'aborder la caractéristique propre à l'homme et que je critique implicitement depuis le début de ce texte: la virilité. Cette notion est celle qui fait que l'on enseigne à chaque homme des stupidités comme "Pleure pas, sois fort, aie la plus grosse bite, montre qui est le patron bordel ! " La virilité c'est l'absence complète de sentiments comme la compassion compensée par la violence morale ou physique. La virilité c'est ce qui fait que la plupart des hommes ont déjà entendus les remarques subies dans le meilleur des cas. Mais elle a aussi des conséquences plus graves comme le harcèlement sexuel, les agressions sexuelles et le viol. À votre avis, pourquoi 98% des violeurs sont-ils des hommes? Forcément si l'on répète à quelqu'un pendant des années "faut baiser par tous les moyens" ça ne peut pas avoir des conséquences positives. Donc ces hommes obéissent et le font n'importe comment et avec n'importe qui, pourvu qu'il soit actif ! Et oui, c'est aussi le même phénomène qui a inscrit dans les esprits que les hommes étaient forcément actifs dans l'acte car il faut dominer pour être le mâle alpha ! Car être passif c'est être une femme et être une femme c'est dégradant car l'homme est fait pour dominer la femme ! Oui c'est une forme assez poussée de raisonnement circulaire mais le fait est que ça marche... Ce même raisonnement qui explique d'ailleurs l'homophobie et la transphobie.

La virilité est la base de la volonté de domination de l'homme et il me paraît donc urgent d'y remédier en éduquant différemment les hommes et en expliquant encore et encore que cette vision des choses est biaisé. La virilité n'est, heureusement, pas une fatalité et il est possible de s'en détacher pour finalement la refuser. J'entends ça et là diverses plaintes disant "Ouais mais tous les hommes sont pas comme ça ! La preuve regarde moi !" D'une part c'est excessivement égocentrique comme remarque, d'autre part réfléchissez bien, remettez-vous en question, n'avez-vous jamais eu un comportement tel que décrit plus haut ? Même dans une moindre mesure ? Et quand bien même vous seriez effectivement un ange (au sens propre du terme, aucun humain, quel que soit son genre, n'a rien à se reprocher, moi le premier) quel est l'intérêt de cette objection ? Si vous voulez un cookie de félicitations, le voilà ! Dire que l'on n'est pas un salaud n'enlève en rien les critiques que j'ai faites. Parce qu'il existe un ou deux contre exemples, vous réfuteriez l'entièreté de l'article ? Si c'est le cas, je vous supplie de prendre conscience du monde qui vous entoure et de remarquer que non, tout ne va pas bien et que la remise en question de la virilité est nécessaire. Merci d'avance !

Voici donc venu le temps des rires et des chants ! Maintenant que vous avez la chanson en tête, je peux reprendre. Voici donc venu le temps de répondre à la question posée initialement : "Suis-je misandre ?" La réponse me paraît assez claire, c'est non. Non je ne hais pas l'homme plus que ça. Je suis même plutôt agacé par les remarques du style :" Non mais les hommes ce sont tous des porcs, c'est leur nature" qui tendent à me faire croire que je ne suis qu'un pénis en érection avec des jambes. De plus il n'a pas été rare au cours de ma vie de rencontrer des hommes formidables et des femmes qui sont d'immondes personnes que je ne côtoierait de nouveau pour rien au monde ! Cependant il faut que l'homme reconnaisse ses défauts, critiquer n'est pas détester, loin de là ! Si je prends le temps d'écrire ce pavé, c'est bien parce que je crois qu'il est possible d'évoluer et de devenir meilleur. Prouvez-moi messieurs que j'ai raison d'encore vous faire confiance et prenez le temps de réfléchir aux exemples que j'ai donnés. Débarrassez-vous de cette image du mâle alpha et de la virilité qui n'apporte rien de bon, au contraire elle vous enferme dans un stéréotype qui ne vous convient pas forcément ! En attendant moi, je vous regarde et j'attends avec impatience vos réactions dans les commentaires ou sur mon twitter ! Et cultivez-vous aussi, ça montre qu'il existe d'autres modèles qu'Action Man !

Duno

Liens annexes

Fvsch qui parle de la même chose mais plus violemment

Résumé du bouquin Refuser d'être un homme ou comment en finir avec la virilité que je vous conseille ardemment !

Le seul texte véritablement misandre que je connaisse : Scum Manifesto

Pourquoi il est important d'élever les garçons autrement par Gaelle-Marie Zimmermann

Une comparaison entre misogynie et misandrie par Alda

 

Duno

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Duno

2 thoughts on “[DTFIS] Suis-Je Misandre ?

  1. Si les femmes donnaient moins de crédit à la virilité au profit d’autres qualités, je pense que les hommes le seraient beaucoup moins.
    Le mec tout gentil, tout con, apprends assez jeune qu’il ne plaira jamais aux copines sans cette virilite que tu veux en remettre en question ^^
    Je pense que les femmes doivent aussi se remettre en question dans l’image des hommes qu’elles vehiculent. (Galanterie, virilite et j’en passe)

  2. Je remercie de tout cœur cet article. J’étais en train de penser “OK, les hommes sont tous les mêmes. Ils ne pensent que au sexe et sont de gros insensibles, incapables d’écouter.”
    Sauf que c’est faux. J’espère que je trouverais un homme qui acceptera sa part de féminité, rien n’est plus beau qu’un homme sensible…

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