[DTFIS] Non, Je Ne Parlerai Pas De Desproges !

Le débat a été lancé maintes et maintes fois sur Internet et ailleurs (mais ailleurs c'est caca, surtout IRL, je comprends même pas à quoi ça sert) et donc vous vous dites peut-être que c'est par facilité que j'ai choisi de parler de l'humour. Détrompez-vous car, tout d'abord, ce n'est pas parce que d'autres personnes en ont parlé que je n'ai pas le droit de donner mon avis sinon je ne parlerais pas du tout ! Et ensuite bah je fais ce que je veux ! Nah !

Pour exposer mon propos rapidement, je vous propose de vous faire faire un tour rapide dans les coulisses de la colonie : très régulièrement nous nous retrouvons sur un mumble privé ou sur Skype (mais Mumble c'est mieux parce que c'est libre) afin de discuter de choses diverses et variées comme l'avenir du site que vous consultez ou la nécessité de porter une chaussette lorsque l'on danse la Macarena à 2 heures du matin. Vous comprenez donc que le nombre de sujets qu'il est possible d’aborder est extrêmement large et il n'est pas rare que nos conversations, aussi sérieuses soient-elles, dérivent à un moment donné. A partir de là, forcément des vannes fusent de tous les côtés et je ne vous parle même pas du bordel que c'est lorsqu'on est cinq ou six ! Cependant à plusieurs reprises nous avons pu observer que certaines vannes provoquaient l'énervement ou l'exaspération d'une partie des membres, chacun étant plus ou moins sensible en fonction des sujets, excepté Shark qui est un moine bouddhiste 42ème dan de zénitude. Ainsi il est même déjà arrivé que l'un d'entre nous se déconnecte pour la soirée car une blague est allée trop loin. Cette anecdote prouve deux choses essentielles selon moi : l'humour est personnel et certaines « blagues » peuvent blesser ou du moins mettre mal à l'aise. Alors certes je ne vous apprends rien encore mais il me paraissait important de placer ces deux évidences comme base de ma démonstration.

Un raccourci qui m'énerve beaucoup lorsque l'on parle d'humour est de croire qu'il n'y a que deux positions face à l'humour et que tout oppose ces visions : soit on peut rire de tout, absolument tout sans aucune exception, soit on ne peut pas rire de tout et il y aurait des « bien pensants » pour nous imposer ce dont il est autorisé de rire. Vous vous en doutez, si ce cliché m'énerve c'est que je ne me retrouve dans aucune des deux possibilités. Histoire de bien vous expliquer mon point de vue on va prendre un article avec lequel je ne suis pas d'accord et je vais vous expliquer pourquoi point par point, à savoir celui-ci : http://odieuxconnard.wordpress.com/2013/09/25/rire-cest-mal/

Je ne vais pas m'attarder véritablement sur le style de ce texte mais plutôt sur les idées qu'il tente de défendre car au final c'est bien ça qui nous intéresse ! Allons-y !

Argument numéro 1 : "Nan mais l’humour noir, ça diffuse des préjugés et l’oppression"

Entendons-nous bien, cette phrase est effectivement fausse ! Y'a pas que l'humour noir qui diffuse des préjugés, y'a les autres aussi ! Y'en a marre de cette exclusion de l'humour noir et du cynisme qui seraient les seuls à véhiculer des messages pourris ! Allez prenons un exemple trouvé sur les méandres de Google et dont je me désolidarise totalement :

« Pourquoi Dieu a inventé l'alcool ? Pour que les femmes moches puissent baiser ... »

Pour ma part je ne trouve pas ça drôle mais pour certains c'est le top de la vanne, aussi subtil et intellectuel que « Et quand il pète il troue son slip » ! Ce qui intéressant est de comprendre pourquoi , qu'est-ce qui pourrait paraître drôle dans cette merde. Et j'ai beau cherché dans tous les sens la conclusion qui s'impose à moi c'est que les gens sont comme ça devant la blague :

Traduction : C'est drôle car c'est vrai !

Ainsi rigoler à cette « vanne » implique d'être misogyne (sisi penser que l'accomplissement de la vie d'une femme est de coucher et qu'il faut être bourré pour apprécier une femme dite moche, c'est de la misogynie) car si ce n'est pas le cas, le seul ressort comique « It's funny cause it's true » ne fonctionne plus. J'ai pris ici un exemple facile sur une vanne vraiment nulle mais essayez de repérer ces vannes drôles car vraies, souvent elles ont pour base la stigmatisation d'une partie de la population et même une partie opprimée de la population (les Arabes, les Noirs, les LGBTQA, les femmes etc. ). Ce magnifique article nous gratifie également de l'argument : Si l'humour exclusif influe sur la psyché des personnes, alors les jeux vidéos violents influent de la même manière et on sait tous que c'est trop pas vrai d'abord ! Si, mille fois si, les jeux vidéos et le cinéma ont un rapport à la violence qui me dérange également mais j'en parlerai une autre fois, là j'ai pas la place !

Argument numéro 2 : "Moi ça me choque, alors tu n’as pas à le faire"

Alors là, je dois avouer que je ne comprend pas bien ce que l'auteur souhaite dire dans ce paragraphe mais de ce que j'en ai compris c'est « Si je que je dis te choque, ce n'est pas que je dois changer, c'est juste toi qui n'a pas à venir » et honnêtement j'espère que ce n'est pas ce que signifie vraiment le texte. Vous avouerez j'espère que cette argumentation n'en est même pas une et tend plus à éviter le débat qu'autre chose. Bien évidemment que l'on pourrait agir comme ça sur tout mais dans ce cas cela reviendrait à ne jamais rien questionner. Si quelque chose ne me plaît pas, au lieu de l'interroger et de l'analyser, je devrais juste l'ignorer ? Dans ce cas plutôt que de comprendre comment fonctionne le racisme pour tenter de lutter contre, je devrais juste faire comme s'il n'existait pas ?

En fait, cet ersatz d'argument irrecevable est dû, je pense, au fait que l'auteur n'a jamais dû être confronté aux blagues gênantes que je citais dans mon introduction et doit faire partie de la classe dominante en France, à savoir un homme blanc cisgenre et hétérosexuel. Alors certes vous pourriez dire que je le juge sans le connaître vraiment et vous auriez raison, mais je ne comprends pas comment on peut penser de cette façon sans faire partie de la classe dominante et je vais expliquer pourquoi : on peut décemment considérer que l'humour est omniprésent. Tout le monde fait des blagues, tout le monde répète des blagues et personne ne s'en cache je pense. Ainsi, il suffit de vous balader pendant une heure dans un endroit peuplé pour entendre nombre de conversations et de calembours associés. Dans ce contexte, il n'est pas rare d'entendre une vanne qui prenne pour cible une communauté comme celle que je vous ai infligé tout à l'heure et comme je l'ai dit elles prennent presque toujours pour cible des minorités. Si vous faîtes partie de cette minorité, comment est-il possible d'ignorer cette remarque qui blesse forcément d'une façon ou d'une autre car prise comme une attaque personnelle ? Il est impossible de ne pas subir cet humour oppressif qui opère à la fois dans l'espace public et à la fois dans les médias. Donc si un propos me choque, j'ai le droit de me dire qu'il me choque. Vu que tu n'es pas moi, tu n'es pas en mesure de me dire mon choc et légitime et encore moins de me dire « si ça te plaît pas, casse toi ! » car le même genre d'absurdité sera proférée deux mètres plus loin.

Sinon, si l'on doit pousser cette logique jusqu'au bout, on reste cloîtré chez soi sans avoir de contact social d'aucune manière et on ne se pose jamais de question. Pas sûr que ce soit un monde idéal...

Argument numéro 3 :"Tu peux te moquer des intolérants, pas des victimes de l’intolérance"

Ici, on retombe dans le cliché dont j'ai mentionné plus haut, attardons-nous dessus un peu plus voulez-vous ? D'après l'auteur, certaines personnes (dont moi je suppose) souhaiteraient censurer l'humour en imposant un diktat disant ce dont il est acceptable de rire et ce dont il n'est pas acceptable de rire. Il serait acceptable de ne rire que des personnes intolérantes et en aucun cas des victimes d'intolérances. En réalité ma pensée est un peu plus subtile que ça, je vous rassure. Je ne vais pas encore me répéter, vous savez désormais qui sont les principales victimes de moqueries. Ce sont les mêmes depuis des années et des années ! Personnellement les blagues du style « c'est un noir, un arabe et un homosexuel qui (respectivement nommé un bamboula, un bougnoule et un pédé pour rajouter de l'effet comique sans doute) » je les entend depuis la primaire. Vous comprendrez qu'au bout d'un moment je suis un peu lassé, je ne trouve plus ça drôle et comprendre les mécanismes de l'humour explique aussi pourquoi, en plus de ne pas être drôle, c'est discriminant. Ce n'est donc pas que c'est acceptable ou non de rire de tel ou tel sujet mais que personnellement, je n'aime pas ça.

J'aimerais maintenant rendre un exemple afin d'illustrer quelque chose si vous le permettez, deux personnes discutent. La première dit : « De toute façon les homos, c'est tous des malades mentaux ! » et la seconde répond : « C'est clair, faudrait les enfermer toutes ces tapettes ! ». C'est bon vous voyez le topo ? Ma question est donc : percevez vous de la même manière la situation quand je vous dis que c'est deux hétéros qui disent ça et quand c'est un homo qui dit la première phrase et son pote hétéro la seconde ? Bien évidemment que non ! En fait il y a une différence fondamentale entre les deux situations. Dans le premier cas on rit de quelqu'un et dans le second on rit avec quelqu'un ! Rire avec quelqu'un c'est partager un bon moment durant lequel nos différences permettent un rapprochement et une compréhension mutuelle, là où rire de quelqu'un signifie pointer du doigt les différences d'autrui afin d'expliquer sa non-présence dans le groupe.

Argument numéro 4 : "Tu peux faire de l'humour positif, qui ne se moque de personne"

Ici l'auteur nous gratifie du magnifique propos : « On ne peut pas ne pas être méchant, c'est drôle d'être méchant donc j'ai le droit d'être méchant ! D'ailleurs y'a d'autres méchants sur Internet donc j'ai pas à me demander si je dois l'être ou pas, je vais faire comme tout le monde ! » (Ça fait beaucoup de fois le mot méchant mais j'essaie d'avoir un vocabulaire au niveau de l'argumentation) Une fois de plus on nage en plein conformisme et dans une absence totale de prise de recul sur le sujet. Faire des vannes blessantes juste parce que d'autres le font aussi ?! Sérieusement ?! C'est quoi cette façon de penser ? « Y'a des meurtriers donc j'ai le droit de tuer, y'a des voleurs donc j'ai le droit de voler etc. » On dirait un gamin qui dit « C'est pas moi qui ait commencé ! » Ça ne vous paraît pas aberrant comme façon de penser pour quelqu'un censé défendre une position argumentée ? Si justement tu te rends compte qu'un soit disant bon mot peut paraître blessant, pourquoi tu n'essaies pas de comprendre pourquoi ? Quel intérêt as-tu à conserver ce rapport de force entre le moqueur et le moqué ? La réponse est finalement assez évidente, tu fais partie des moqueurs, tu es donc en position de force par rapport aux personnes dont tu te moques et tu ne souhaites pas une seule seconde perdre ce privilège que tu as intégré depuis de nombreuses années. Si nous avons tous le droit de faire toutes les vannes possibles et imaginables, pourquoi sommes-nous aussi inégaux face à l'humour ? Bon je vais même pas m'étendre sur cette partie du texte tellement c'est nul comme idée.

Argument numéro 5 : "Non mais du coup on peut dire n’importe quoi et se cacher derrière le principe d’humour !"

L'odieux connard commence cette partie en invoquant la sacro-sainte liberté d'expression avec son ironie habituelle (donc ne me décrochant même pas un rictus la plupart du temps). Ainsi il tente de décrédibiliser l'argument en disant qu'il revient à s'étonner que l'on puisse tout dire. Je répondrai que vu que l'humour n'est qu'une certaine forme de communication, il est soumis aux mêmes lois que la parole : certaines paroles sont clairement condamnées par la société et, quand bien même elles ne le seraient pas, je suis tout autant dans mon droit de dire qu'une parole me gêne. On ne peut interdire à une population de parler ou de rigoler, mais de la même façon on ne peut interdire la critique de ces paroles et blagues. Donc cette première comparaison que tu fais ne servait à rien puisque le débat n'a pas avancé ! Venons-en donc à l'argument principal du paragraphe qui dit qu'une fois que nous avons exprimé notre désaccord avec une blague ayant été faite, il y a deux possibilités : « soit votre interlocuteur a un sens des interactions sociales, et le drame s’arrête là, soit il insiste lourdement, auquel cas le problème n’est pas le principe d’humour, c’est juste que vous avez affaire à quelqu’un qui est con comme un bulot. » (Ici le texte entre guillemets est celui d'origine et non l'interprétation que j'en fais). J'ai énormément de mal à comprendre ce que signifie concrètement cet extrait, pourquoi s'obstine-t'il à faire des comparaisons douteuses et loin d'être drôles au point de noyer le message principal ? Dites-moi si j'ai l'air aussi stupide qu'un Magicarpe mais ça veut dire quoi avoir un sens des interactions sociales ? Ça veut dire que le mec répond à l'accusation ? Qu'il s'en défend ? Qu'il s'excuse si la blague a gêné certains ? Mais dans ce cas pourquoi l'auteur ne s'excuse jamais ? Avoir un sens des interactions sociales, c'est tellement vaste que, dans ce contexte, ça ne veut juste rien dire ! Et puis c'est pareil pour la deuxième partie, il insisterait lourdement sur quoi ? J'ai l'impression qu'il manque des mots dans cette phrase, le propos n'est ni clair ni cohérent ! Il insisterait sur le fait que ce soit drôle ? Et donc ce serait un con ? Donc l'auteur se traiterait lui même ?

Là vraiment je nage en pleine perplexité sur cet extrait et préfère donc passer à la suite plutôt que d'en faire une mauvaise interprétation mais je suppose que c'est censé défendre l'idée selon laquelle on pourrait tout dire tant que c'est de l'humour même si je ne vois absolument pas comment... On arrive donc au dernier argument de cet article (enfin!) : « Après, si quelqu’un essaie de vous dire qu’il ne pensait pas ce qu’il vient de dire en faisant passer la chose pour un trait d’humour, en général, tout être humain normalement constitué est capable de distinguer ce qui tient de l’humour de ce qui tient du caca. » Cet homme est un devin chers lecteurs·trices ! Il arrive à s'infiltrer dans le cerveau des gens pour savoir s'ils pensent sincèrement ce qu'ils disent, c'est merveilleux ! N'empêche si c'est vrai, ça explique son point de vue sur la question mais pour nous, simples mortels, ce n'est pas possible. Comment être sûr que ce que la personne en face de vous dit est de l'humour et non ce qu'elle pense ? Ou alors le mélange présenté tout à l'heure du c'est drôle car c'est vrai ? Bah navré de vous l'apprendre mais à moins qu'un contexte montrant clairement que le propos ne reflète pas la pensée de celui le proférant, seypapossib ! Et non dire que l'on fait un article/une vidéo/ce que vous voulez humoristique ne suffit pas à créer un contexte. C'est pour ça que le second degré si cher aux défenseurs de l'humour oppressif est finalement très rare. Si quelqu'un a pu percevoir que ce que vous dites pourrait se rapprocher de ce que vous pensez, c'est que votre blague est ratée, simplement. Et quand une blague est ratée on ne cherche pas à expliquer pendant des heures pourquoi en vrai elle est géniale...

Après tant de blabla, je pense qu'il est temps d'arriver à une conclusion et de répondre à la question « Peut on rire de tout ? ». Oui, oui et oui, mille fois oui. Tout est risible, toutes les valeurs peuvent être tournées en dérision, toutes les pensées peuvent être questionnées grâce à l'humour. Cependant cela doit être fait dans un respect absolu du sujet dont on rigole, avec l'acceptation des gens dont on se moque et il faut être à l'écoute des critiques que peuvent subir votre sens de l'humour. Plutôt que de vous braquer et de vous emporter en hurlant à qui veut l'entendre que l'on souhaite brider votre liberté d'expression, calmez vous et relisez mon premier article.

Nous l'avons vu ici, le rire peut être source d'exclusion, de mal-être, de tristesse, de sentiments d'infériorité et perpétrer des clichés nauséabonds nous empêchant de nous écouter les uns les autres afin d'avancer. Mais, et je finirai là dessus, le rire n'est qu'un outil, il n'est ni bon ni mauvais tout dépend de son utilisation et je suis persuadé qu'il est aussi vecteur d'une grande partie des meilleurs souvenirs que l'on a ! Si j'écris ce texte c'est parce que j'ai envie de rire, je veux me marrer avec tous celleux que j'aime, tous celleux que je ne connais et même celleux que je n'aime pas mais ce n'est possible qu'au travers d'un humour respectueux.

Duno

Liens annexes

Les articles qui m'ont inspiré pour cet article :

L'humour est une chose trop sérieuse...

...pour être laissée à des rigolos

L’humour est une arme

Duno

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