Le soir venu, perdu au détour d’un sombre chemin de forêt, vous apercevez un édifice fait de bois et de chaume. Vous toquez à la porte et le propriétaire vous ouvre, il s’agit d’une petite auberge traditionnel et celui-ci vous propose de passer la nuit, offrant nourriture et boisson. Le cadre est chaleureux et durant votre repas vous échangez avec votre hôte et chacun y va de sa petite histoire, mais une fois les mets engloutit vous vous sentez lourd, vous avez sommeil. Alors l’aubergiste vous propose de vous reposer dans un lit chaux et confortable vous permettant de passer une bonne nuit. Le matin venu, vous vous faites réveiller par la douce lueur du soleil, dans un lit de paille. La belle bâtisse traditionnelle a disparu et en lieux et place de celle-ci, vous n’apercevez qu’une clairière dans la forêt. « Fichtre alors ! » Vous dites-vous « Je me suis fait berner par un Tanuki ! » , ce dernier ayant usé de sa magie et de ses énormes testicules afin de recréer une auberge pour se moquer de vous.
Halloween approche et chacun parle de ses histoires d’horreur favorite, mais comme j’ai facilement peur, je m'abstiendrai d’écrire sur ce genre de chose. Par contre, je peux parler de la culture japonaise et plus précisément des monstres et fantômes la peuplant en nombre, via le Dictionnaire des Yôkai de Shigeru Mizuki.
Auteur : Shigeru Mizuki
Éditeur : Pika
Synopsis : Le Japon est une terre de légendes et de folklores qui, au travers des siècles, a développé une culture du fantastique à nulle autre pareille. Des représentations de yôkai visibles sur des estampes datant de l'époque Edo montrent bien à quel point cette culture des esprits, fantômes, monstres démons, divinités mineures etc. - autant de figures différentes du yôkai - est présente dans la culture japonaise.
Le concept de Yôkai ne concerne pas seulement les monstres effrayant comme les vampires ou les loups-garous, mais englobe aussi les animaux fantasmagoriques, les fantômes comme les objets ayant pris vie. Ce n'est pas forcément des entités malfaisantes, même si elles ne sont en rien les alliées des humains, mais ça peut aussi être des blaireaux farceur ou des fantômes pickpockets. Ceci dit, je sais que pour la majorité des personnes me lisant, les Yôkai ne sont pas inconnus : après tout, ceci apparaît dans nombres de mangas, d'anime et de jeux-vidéo. Vous n’ignorez pas par exemple l’existence des Tanuki, ces chiens viverrins possédant d’énormes gonades leur permettant de se transformer, tout comme celle des Kappa, ces créatures aquatiques raffolant de concombre de flatulence et retirant les entrailles de ses victimes par l’anus. Avant d’être des créatures de fictions que nous croisons dans le film Pompoko ou le jeu Okami, ce sont avant tout des créatures qui sont ancrés le folklore japonais.
Le Yôkai d’aujourd’hui n’est pas le même que celui d’hier. En effet, cet ensemble de mythes et légendes oraux vastes, éparses et variés étaient très vivace pendant la période Edo (1600 – 1868) mais il y avait de grandes différences entre les localités. En fonction du lieu, nous ne trouvions pas forcément les mêmes créatures et les histoires concernant les plus connus d’entre elles différent. Ces contes ont servi de terreau à des romans populaires de l’époque, mais ils n’ont été que très peu garder en tant que tel, un récit oral n’étant, par définition, par coucher sur papier. Malgré tout, cette époque a été très propice aux légendes urbaines et nombre de peurs, de mystères voir même de concepts se sont retrouvé incarnés sous la forme d’un Yôkai et l’image que nous avons de la plupart d’entre eux viennent de cette époque. Malgré tout, l’occidentalisation du Japon dès la fin du XIXe siècle (donc à partir de l’ère Meiji 1868-1912) a bien failli leur être fatale. Après tout, à l’heure de la science et de la modernité, qui veut bien croire qu’un blaireau puisse voler grâce à ses testicules ?
C’est là que se situe un des principaux intérêts du Dictionnaire des Yôkai de Shigeru Mizuki. Ce dernier est un mangaka ayant vécu de 1922 à 2015 et est principalement connu pour la série Gegege no Kitarô aussi dit Kitarô le repoussant, mais on le considère aussi comme étant la personne qui a relancé l’engouement pour ces créatures en les faisant vivre dans la culture populaire. Cet ouvrage n’est pas un dictionnaire scientifique, ce n’est en rien une encyclopédie exhaustive basée sur une quelconque recherche anthropologique, il s’agit d’un recueil d’histoire réuni par l’auteur basé sur des textes de temples qu’il a lus comme des légendes qui lui sont tombé dans ses esgourdes. Via ces textes Shigeru Mizuki devient lui-même conteurs du folklore passé du Japon, un que la modernité a chassé pour la faire revenir sous une autre forme.
Cette naïveté est ce qui rend les pages de cet ouvrage agréable, nous nous passionnons pour chaque légende racontée et tournons la page pour voir qu’elle surprises nous attends par la suite. C’est aussi un livre qui permet au lecteur-ices de se familiariser avec l’histoire et le concept qui se cache derrière les Yôkai qu’iels croisent dans les mangas. Cela est aussi en grande partie permis par les illustrations accompagnantes chaque texte, tantôt horrifique et inspiré par des gravures d’époques et parfois comiques, elles donnent vies aux monstres et permettent de se faire une idée de comment est-ce qu’on les représente et ce même si un Yôkai différera selon le dessinateur. Enfin, le livre permet au lecteur-ices de saisir la variété de ces créatures, nous pouvons y retrouver pêle-mêle des arbres suceur de sang, des esprits que l’on doit consoler avant de chasser, des démons possédant juste les genoux ou des parapluies unijambistes. Ça permet de déconstruire l’idée que l’on se fait du monstre, nous lui donnons une certaine noblesse imaginant qu’il doit faire peur et être menaçant là où certain sont grossier, ridicule parfois tout simplement casse-pieds.
Sharksymphonie
Article corrigé par Pemf
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