Bonjour à toutes et à tous !
Après plus de 75 ans d’existence, Wonder Woman a enfin débarqué sur grand écran avec le quatrième film du DC Cinematic Universe.
Hel et moi-même avions tous les deux des points précis sur lesquels nous voulions revenir, c’est pourquoi nous vous proposons cet article en deux parties.
La première partie sera donc consacrée au sous-texte militant du film et à l’interprétation que l’on peut en faire, il sera question notamment de représentation et de lutte contre les oppressions. La deuxième partie s’intéressera plus spécifiquement au cas des origin stories pour en analyser les rôles et ainsi voir en quoi Wonder Woman se trouve être un très bon exemple de cette catégorie.
Sans plus tarder, place aux analyses !
Casting : Gal Gadot, Chris Pine, Connie Nielsen, Robin Wright
Genre : Super-héros, Action, Fantastique
Synopsis : C'était avant qu'elle ne devienne Wonder Woman, à l'époque où elle était Diana, princesse des Amazones et combattante invincible. Un jour, un pilote américain s'écrase sur l'île paradisiaque où elle vit, à l'abri des fracas du monde. Lorsqu'il lui raconte qu'une guerre terrible fait rage à l'autre bout de la planète, Diana quitte son havre de paix, convaincue qu'elle doit enrayer la menace. En s'alliant aux hommes dans un combat destiné à mettre fin à la guerre, Diana découvrira toute l'étendue de ses pouvoirs... et son véritable destin.
TW : Mort, sang, guerre, harcèlement sexuel
Wonder Woman vu par le prisme de la lutte contre les oppressions – Hel
/!\ Cette partie contient moult spoilers, donc si vous n'avez pas vu le film et souhaitez le découvrir vous-même, je vous suggère de passer à la partie d'Ipemf (spoiler-free) et de revenir une fois que vous aurez pu visionner le film !
Hello people et bienvenue sur cette partie consacrée à, comme son nom l'indique, l'aspect militant/lutte contre les oppressions dans Wonder Woman ! Évidemment, il y aurait moult choses à dire sur ce film, donc j'ai choisi de souligner trois aspects de cette œuvre : la représentation des opprimé'e's, la progression de Diana comme image de l'évolution du point de vue militant et enfin la représentation de Wonder Woman comme figure militante/féministe et la façon dont les personnages, notamment Steve Trevor, interagissent en sa présence.
Pour commencer, le film m'a très agréablement surpris quant à son propos. En effet, à travers le personnage de Diana, qui découvre peu à peu le monde des humain'e's, sont présenté'e's un panel de personnages qui est somme toute assez diversifié pour un film dont l'intrigue se déroule lors de la Première Guerre Mondiale. On rappellera que la majeure partie des films d'uchronie ont tendance à effacer la présence des groupes opprimés effectivement existants à l'époque, souvent avec des arguments type "C'est pas réaliste" - parce qu'un dragon c'est bien sûr plus réaliste dans une époque médiévale que des personnes racisé'e's qui ont réellement existé, c'est bien connu.
Ainsi, en plus de Steve Trevor qui possède toutes les caractéristiques du personnage principal que l'on voit partout, c’est-à-dire un homme blanc cisgenre hétéro valide mince, notre héroïne fera également la rencontre d'autres personnages hauts en couleur. Je pense notamment à Etta Candy (Lucy Davis), la secrétaire de Steve qui malgré son peu d'apparitions à l'écran fait preuve de caractère et même de courage. Si elle peut passer assez inaperçue, je pense qu'il est important de rappeler qu'elle n'hésite pas à pointer une épée sur un homme armé alors qu'elle a passé sa vie dans un monde patriarcal où les femmes n'ont que peu de droits, et ceci est cool ! Vient ensuite le personnage de Sameer (Saïd Taghmaoui), qui partait très mal dans le film puisque ses premières interactions avec Diana se limitent à des commentaires sur son physique et une forme de harcèlement sexuel (puisqu'il continue alors qu'il est clair qu'elle n'est nullement intéressée). Toutefois, cet aspect du personnage s'estompe assez vite (heureusement !) ce qui lui vaut un très bel échange avec Diana autour de son vécu en tant que personne racisée. Ce discours est complémentaire avec un autre : celui de Chief (Eugene Brave Rock), un contrebandier d'origine amérindienne, qui permet lui de souligner que les victimes des guerres d'aujourd'hui sont parfois les bourreaux de la guerre de la veille ou du lendemain. Ces quatre compères sont accompagnés dans leur périple par Charlie (Ewen Bremner), un tireur qui se trouve également être alcoolique et victime de syndrome post-traumatique, qui semble au début de leur mission "inutile" de ce fait – ce qui, évidemment, s’avérera ne pas être le cas.
Au final, la diversité des personnages, même si elle est imparfaite et à nuancer, est un point très positif et le fait qu'aucun d'entre eux n'entre à priori dans un cliché pré-établi est très agréable. J'ai juste une pointe de regret que le personnage du Dr Maru (Elena Anaya) n'ait pas été plus développé, car je trouve qu'elle avait un énorme potentiel mais dans l'ensemble, ça reste extrêmement correct.
Par ailleurs, un des points qui m'a beaucoup marqué, c'est l'évolution du point de vue de Diana, notamment interprété à travers le prisme du militantisme.
En effet, en considérant Wonder Woman uniquement comme une militante, elle passe déjà par de nombreuses phases : elle explique clairement qu'enfant, elle voulait sauver le monde, et cela dans une vision très manichéenne : les gentil'le's humain'e's et amazones versus le méchant Ares. Toutefois, suite à son périple dans le monde humain et surtout après avoir vaincu Ludendorff, elle réalise que la réalité est toute autre : il n'y a pas une opposition simple entre gentils et méchants, puisqu'il s'agit en réalité d'un système dans lequel chaque être humain joue un rôle, positif et/ou négatif. Cela ne se résume pas à une personne à abattre, chaque personne étant plus ou moins capable de bonnes ou de mauvaises choses. On peut considérer qu’Ares n'existe pas, qu'il n'est que la part de mépris, de haine et de malveillance que chacun entretient, qu'il n'est qu'un système qui incite les gens à la malveillance – ce qui n'enlève pas la responsabilité individuelle de chacun. Diana apparaît alors perdue : si les humains ont tous une part mauvaise en eux, alors quel est l'intérêt de lutter pour le bien d'une humanité qui n'est pas forcément bonne ? Elle est alors face à un dilemme : céder à cette même malveillance qui gangrène l'humanité, en ôtant toute empathie pour les humain'e's et en ne les réduisant qu'à cette part potentiellement mauvaise qui est en elleux, ou continuer à lutter pour ce qu'elle croit être juste, c’est-à-dire : la bienveillance, l'amour de l'autre, etc. Ainsi, elle en arrive à la conclusion suivante : ce n'est pas une question de « gentils versus méchants », qui est beaucoup trop simple. La solution est de détruire le système (=Ares) qui incite les humain'e's à se comporter comme des enflures et d'arrêter tou'te's les humain'e's qui s'avèrent malveillant'e's et entretiennent ce système.
En cela, la démarche de Diana se rapproche énormément des luttes contre les différents systèmes oppressifs : il est facile de catégoriser les gens selon des cases (les méchant'e's racistes contre les gentil'le's pas racistes) alors que la réalité est plus complexe (tout le monde évolue dans un système raciste et perpétue ce système plus ou moins consciemment, ce qui n'empêche pas certain'e's de remettre en question ledit système et de lutter contre cette oppression systémique).
Par ailleurs, un autre point que je trouve extrêmement intéressant, c'est que toute cette évolution chez Diana peut être vue comme l'évolution d'une personne qui se veut alliée d'une cause. En effet, l'amazone est, depuis le début, extérieure au combat (elle a grandi à Themiscyra, où le conflit ne se déroule pas) et dispose de par sa naissance d'avantages/privilèges que ne possèdent pas les autres humain'e's (ses pouvoirs, les outils/armes à sa disposition, ses compétences...). Si on considère la hiérarchie présentée au début du film, on peut considérer qu'étant une déesse (même si elle l'ignore) et élevée par un peuple lui-même privilégié, elle est au-dessus des humain'e's. Et elle se place, d'une certaine façon, comme telle vis-à-vis de Steve et des autres.
En effet, dans un premier temps, elle est persuadée de savoir mieux que les humain'e's elleux-mêmes ce dont iels ont besoin : elle les infantilise (en pensant qu'iels sont contrôlés par Ares, elle est dans la négation de leur libre-arbitre et se place donc au-dessus d'elleux : je sais ce que je fais, alors que vous n'êtes que des pantins qui l'ignorez), elle est dans une dichotomie très manichéenne (comme les personnes cisgenres hétéros qui pensent que les LGBTphobes c'est juste les méchant'e's nazi'e's qui veulent tuer les gays, rien de plus), elle n'écoute pas les concerné'e's, comme Steve lorsque celui-ci essaye de lui expliquer la complexité de la situation politique et pense, avant même d'avoir échangé davantage avec les humain'e's, avoir une solution à laquelle aucun des dits humain'e's, en plusieurs milliers d'années d'existence et de réflexion, n'auraient pensé – en l’occurrence tuer Ares.
Mais son évolution ne s'arrête pas là. En effet, lorsqu'elle tue Ludendorff, elle est obligée de se rendre compte que la solution qu'elle brandissait comme une réalité absolue n'existe pas et, finalement, parvient grâce à Steve à réaliser en quoi consiste une bonne alliée : pas quelqu'un qui défend un groupe parce que le groupe est méritant mais par principe, parce qu'aucun groupe, méritant ou non, ne devrait subir cela. Sur la fin, Diana affronte Ares qui est, selon cette vision du film, l'autre grand "privilégié" de cette société alors que Steve s'occupe d'actions qui sont à sa portée (l'avion), ce qui montre que Diana admet finalement que c'est aux humain'e's de se sauver elleux-mêmes, et que son rôle à elle consiste à les y aider (et non-pas de le faire à leur place) ainsi qu'à traiter les problèmes que seul'le's des privilégié'e's comme elle peuvent gérer – comme s'opposer publiquement à un'e autre privilégié'e.
Face à tant d’interprétations pertinentes et possibles, je n’ai qu’une seule chose à dire : CACAHUÈTE
(Toi aussi, apprends à maîtriser l’art de la conclusion et des transitions entre les parties avec Hel !)
Enfin, le dernier point que je souhaiterais aborder est la représentation de Diana en tant que figure féministe, et la façon dont les personnages comme Steve interagissent avec elle.
Diana est issue d'un monde où vivent uniquement des femmes, elle n'est pas définie par le film comme en lien uniquement avec un homme (femme de, fille de, love interest de...), son caractère est défini et ne change pas pour se soumettre à l'avis d'un homme... Bref, elle est bel et bien représentée comme un individu, et non pas comme la femme moyenne de cinéma, qui est souvent une coquille vide que les réalisateurices n'ont pas pris le temps de développer. Là-dessus, le film, qu'il le veuille ou non, s'ancre bel et bien dans une dynamique féministe, et il n'y a qu'à voir le nombre d'enfants, quel que soient leur genre, qui ont été marqué'e's par ce film, admirent le personnage et en ont déjà fait un role model pour comprendre que, même si le personnage n'est pas parfait et n'éradiquera jamais le sexisme par sa seule existence, ce film est un très bon pas en avant.
De plus, je trouve que les personnages comme Steve sont également très bien pensés. En effet, Steve est un très bon exemple d'allié (par exemple féministe) dans son comportement vis-à-vis de Wonder Woman. En effet, malgré son statut d'homme dans une société patriarcale, il ne montre aucun besoin de se complaire dans sa virilité du fait qu'une femme se trouve être plus compétente et plus forte physiquement que lui. Pourtant, à voir comme certains mecs se roulent par terre devant le simple fait qu'une nana puisse être belle et en avoir confiance, imaginez face à une princesse, combattante de haut niveau, parlant toutes les langues existantes et dotée de pouvoirs surnaturels ! Bref, notre Steve Trevor, de son côté, n'a nul besoin de faire un concours de qui a la plus grosse ou d'essayer de diminuer Diana pour exister : elle est meilleure que lui sur des points culturellement associés à la virilité ? Osef ! Par conséquent, plutôt que de gâcher son énergie à prouver une valeur que personne sauf notre bon vieux système patriarcal ne remet en cause (= sa virilité) il est capable de prendre en compte ses compétences pour adapter sa stratégie mais également d'apprendre d'elle (comme lors de la scène de bataille où il reproduit une tactique utilisée par les Amazones pour aider Diana à atteindre le sniper). Et, la traitant donc en tant qu'être humain décent, il influe sur la façon dont les autres la traitent : si au début ils ne voient en elle qu'une femme, Steve participe par sa confiance en Diana à l'évolution de leur vision : au final, ils la voient comme l'une des leurs, et ne s'arrêtent plus simplement à la question de son genre. De même, Steve ne cherche pas à empêcher Diana de lutter contre Ares car il a conscience que ce n'est pas son rôle et qu'il ne saurait pas le faire et il se contente de choses qui sont à sa portée - en l’occurrence l'avion. Sa capacité d'admettre ses limites en tant qu'être humain mais également en tant qu'homme rend son personnage extrêmement intéressant et les interactions avec Diana d'autant plus authentiques, empreintes de confiance et de complicité.
D'autant plus que Steve ne présente aucun comportement malsain vis-à-vis de Diana - ce qui n'était pas gagné vu la fréquence à laquelle les comportements de harceleur/prédateur vis-à-vis des femmes sont valorisés et romantisés dans les films (quelques exemples au pif : Twilight, 50 Shades of Grey, The Amazing Spider-man 2, There's Something about Mary, Ghostbusters (1984), Indiana Jones and the Temple of Doom, etc..). Ici, ce n'est pas le cas : Steve est totalement respectueux vis-à-vis d'elle, il la voit comme un être humain qui se trouve être une femme, ce qui participe forcément à la complicité entre les deux personnages. C'est d'ailleurs pour cela que je trouve que la scène où iels couchent ensemble, même si elle est critiquable scénaristiquement et d'un point de vue représentation, est infiniment cohérente : ENFIN UNE RELATION SAINE BASÉE SUR LA CONFIANCE ET LE RESPECT PLUTÔT QU'UNE ÉNIÈME FEMME HARCELÉE OU MANIPULÉE QUI FINIT PAR CÉDER A UN CREEP. Je veux dire sérieusement, cette relation est plus saine qu'à peu près toutes les relations sensuelles/sexuelles du cinéma qui me viennent en tête. Alors certes il y a des défauts, notamment le «I love you» de fin qui, à mon humble avis, est arrivé comme un cheveu sur la soupe (trop rapide, pas pertinent, laisse un message maladroit), mais sérieusement, Steve est probablement la meilleure représentation de mec qui sait interagir sainement avec une femme que j'aie jamais vu au cinéma donc bon, ce n’est pas parfait mais je ne me plaindrai pas (trop).
Pour conclure donc sur cette partie : la façon dont Diana est présentée et construite est top, on a un VRAI personnage féminin, et elle est entourée d'hommes qui admettent le fait qu'elle se trouve leur être supérieure sur certains aspects et la respectent en tant qu'individu, que demander de plus ?
(Beaucoup d'autres choses, on est d'accord, mais ça reste grave cool)
Pour conclure sur l’ensemble de l’oeuvre, je trouve que ce film présente de nombreux points positifs, à la fois en terme de réflexion sur la façon de percevoir et d’orienter son militantisme, de représentation, et d’écriture des personnages. Cela n’en fait pas pour autant une oeuvre exemplaire sur tous les plans, mais ces éléments ont assez d’importance à mes yeux pour que ce film reste, de mon point de vue en tout cas, un excellent divertissement.
Origin story, cas d’école – Ipemf
Si ce n’est clairement pas le Saint Graal, on ne peut nier que Wonder Woman est unique sur bien des aspects, mais surtout qu’il s’agit presque d’un cas d’école en terme d’origin story.
Je m’explique : des premiers films pendant lesquels un super-héros se construit, on en a bouffé. Le but est simple : il faut bien installer le héros dans son environnement, le faire évoluer pour qu’il accède à son nouveau statut et, encore plus important, le représenter telle une icône (souvent dans une scène spécifique qui exprime visuellement et narrativement l’accession à une condition d’être extraordinaire et héroïque). Mais bien souvent la formule s’est arrêtée à une évolution parfois forcée, une iconisation ratée et des pistes de réflexions inexistantes ou s’arrêtant (du moins chez Marvel) à un bon vieux « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». Fort heureusement, certaines origin stories sont devenues des cas d’école, comme le Superman de 78, Batman Begins ou Spider-Man. À mon sens, Wonder Woman peut désormais être inclus dans cette liste.
Le point le plus abouti de ce film est sans aucun doute l’évolution de Diana et son iconisation. Je dois avouer qu’au départ le choix de Gal Gadot pour incarner l’héroïne me laissait perplexe mais force est de constater qu’elle a fait un travail remarquable pour s’approprier le personnage. Jenkins et Gadot ont compris toute l’essence du personnage, toute l’aura qui émane d’elle, son double rôle de guide et d’alliée pour l’humanité. Elle est en constante évolution : découvrant un monde inconnu et guidée par les mythes qu’elle a reçu quand elle était enfant, passant du stade d’« émerveillement » à celui de désenchantement total et d’incompréhension face à la folie de la guerre, allant jusqu’à être en proie au doute avant de comprendre toute l’étendue de son rôle. Le paroxysme de cette évolution est bien évidemment la fameuse scène de bataille dans le No Man’s Land qui permet d’introduire l’élément essentiel d’une origin story : l’iconisation. C’est bien simple, tout est parfait dans cette scène qui permet à Diana d’accéder à son statut d’héroïne. Là encore le gros du travail a été mis sur le côté « progressif » de la scène : détachage des cheveux, révélation du diadème, montée à l’échelle avec apparition du bouclier et de certaines parties de l’armure, et enfin découverte de l’ensemble du costume une fois arrivée sur le champ de bataille. À partir de là, Diana guide ses compagnons dans la bataille, ils ne la dépasseront à aucun moment. C’est ainsi que l’on donne le statut de super-héros et d’icône à son personnage principal.
Suffisamment de temps est alloué à chacune de ces étapes pour que le tout soit crédible et que nous connaissions parfaitement Diana. En effet, c’est aussi l’enjeu des origin stories : que nous ayons suffisamment vu le personnage évoluer pour que le plaisir de le retrouver dans des suites ou des films comme Avengers/Justice League soit d’autant plus grand. Ce n’était pas toujours ce qu’on retrouvait le plus facilement pour des héros comme Captain America, du moins avant Winter Soldier, ou Thor. Pour donner encore plus de profondeur, il faut aussi développer l’environnement du personnage, là encore c’est une grande réussite grâce au travail de Patty Jenkins sur la société des Amazones. Nous ne les voyons pas uniquement comme des guerrières badass (même si c’est un immense plaisir), nous percevons clairement le lien de sororité qui les unie et découvrir cette société unique est absolument passionnant. Encore une fois c’est tout simple : le film prend son temps (mais ne perd pas en rythme pour autant) pour bien asseoir le monde des Amazones pendant ce premier acte particulièrement détaillé avec en point d’orgue la fameuse première bataille qui est tout bonnement jouissive.
Le film regorge aussi de thèmes intéressants : il est question d’oppressions, des responsabilités individuelles et collectives, de déterminisme mais aussi du passage à l’âge adulte et du fait de se séparer de nos constructions familiales et des croyances/mythes qui y sont liées. Alors, certes, on en est pas non plus au point de citer du Spinoza entre deux combats mais ces thèmes peuvent être très riches en fonction des grilles de lecture que l’on adopte.
C’est pour toutes ces raisons que nous pouvons dire que Wonder Woman est une excellente origin story, chose que nous n’avions pas vue depuis très longtemps.
Au-delà de cette question précise, il est clair qu’il s’agit également d’un bon film de super héros, même si je suis moins dithyrambique sur ce point.
Je ne dirai jamais assez à quel point le travail de Patty Jenkins est immense, tout le long du film on sent qu’il s’agit de sa vision et qu’elle aime ses personnages. Sur les personnages justement, un point d’honneur a visiblement été mis à ce qu’ils soient un minimum détaillés puisque ce sera la seule fois où nous les verrons pour la plupart. Hel a déjà évoqué le groupe de Steve avec le fait que chacun évoque des oppressions précises, je ne vais donc pas en rajouter plus que de raison. Je tenais cependant à évoquer le cas de Steve qui est ma grosse surprise. Il est particulièrement intéressant : pendant tout le film son évolution va consister à comprendre, accepter et dépasser ses insécurités. Au fur et à mesure qu’il côtoie Diana, il comprend que la guerre pour laquelle il a tant donné n’est pas qu’une histoire de « gentils vs méchants » mais qu’il s’agit en réalité d’un ensemble dont il fait partie et dont il a une part de responsabilité. Au début de l’intrigue, il cherche constamment à se présenter comme un homme au-dessus de la moyenne mais, petit à petit, il va abandonner ce discours et va nouer une relation de confiance forte avec Diana, on le sent rassuré à ses côtés. C’est peut-être une des relations les plus appréciables que j’ai pu voir dans une film de super-héros.
Alors, certes, le métrage n’est pas exempt de défauts. On pourrait longuement parler des effets spéciaux parfois immondes, de certaines blagues très mal placées et lourdes, de Lunderdorff et Dr. Maru qui sont caricaturaux, du fond historique foireux, etc. mais, à vrai dire, c’est tellement peu par rapport à tout ce que le film réussit et surtout ce qu’il représente.
Wonder Woman a été une Arlésienne du cinéma pendant des décennies et aujourd’hui il comble le vide immense qu’il y avait du côté des super-héroïnes à l’écran avec en prime des thèmes forts et importants mais aussi des scènes d’actions bien au-dessus de la moyenne.
Pour tout cela, nous pouvons clairement dire qu’il s’agit d’une grande réussite.
Ainsi, même s’il n’échappe pas à certains problèmes récurrents dans le genre, Wonder Woman est un film unique, que ce soit pour son fond, la façon dont sont traités les personnages, les talents de Patty Jenkins, etc. À l’heure où nous concluons cet article, le film vient de passer le cap des 500 millions de dollars dans le monde, presque aucun film réalisé par une femme n’avait atteint ce score jusqu’à présent et c’est déjà une bien belle victoire !
Il ne reste plus qu’à espérer trois choses : que le DCEU continue sur cette lancée, que nous ayons droit à plus de blockbusters réalisés par des femmes et surtout que Wonder Woman ne reste pas un spécimen unique du genre mais qu’il soit très vite rejoint par d’autres collègues qui ne rentrent pas dans le schéma classique de l’homme cis hétéro blanc.
En attendant, n’oubliez pas, cultivez-vous !
Ipemf et Hel
Article corrigé par Koukarus
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