On a tous et toutes été marqué·es par des personnages réels ou fictifs. Ces gens qui sont ou ont été des modèles pour nous ou des sources de dégoût, entités dotées d’un charisme particulier qui fait que, parfois des années plus tard, on s’en souvient toujours. Il m’a été demandé d’en faire une sélection de seulement dix qui, s’ils sont loin d’être les seuls personnages marquants que je connaisse, ont le mérite d’être assez fascinant pour que l’on s’y penche. Mais assez tardé, commençons !
Andrew Ryan – Bioshock (Jeu vidéo)
Portrait à peine exagéré du mégalomane libéral, Andrew Ryan est le créateur de la ville dans laquelle se passe les deux premiers Bioshock (jeu de tir horrifique à la 1ère personne. Assez gore par moment). Il représente à la fois la mise en pratique la plus littérale des principes économiques libéraux de notre société, à savoir que rien ni personne ne doit entraver la création de marchandise ni la vente de celles-ci, ainsi que tous ses effets pervers possibles. Ce qui est intéressant c’est que le personnage est à l’image de sa ville : dévasté, au bord de la ruine, mais incapable de lâcher et il tentera tant bien que mal de garder le contrôle sur l’Enfer qu’il a lui-même créé. Toute la mise en scène du jeu nous amène à notre confrontation avec cet homme aussi craint que critiqué dont les monologues ne laisseront personne indifférent·e. Si, comme l’explique Karim Debbache, la dystopie consiste à pousser à l’extrême un raisonnement pour en souligner les failles alors Andrew Ryan est l’incarnation humaine d’une dystopie.
Clémentine – Le bleu est une couleur chaude (BD)
J’ai déjà parlé de la bande dessinée ici et vous vous doutez donc que ses personnages m’ont marquée. Clémentine est intéressante à mon sens dans la mesure où, contrairement au personnage précédent, elle est tout en nuance et évolue au cours du récit. On prend plaisir à suivre cette personne découvrant sa sexualité mais aussi sa conscience politique, sa future vie d’adultes et toutes ces choses partagées par beaucoup d’entre nous. Clémentine est un personnage qui n’a rien d’exceptionnel en soi mais dont le traitement est tellement juste que l’on ne peut s’empêcher de s’y attacher.
Garnet – Steven Universe (Dessin animé)
Cité comme mon dessin animé préféré, vous vous doutiez qu’il y aurait au moins un personnage de cette série ici ! Par contre je ne peux développer mon propos sans spoiler donc si vous n’avez pas vu la série, passez ce paragraphe. Pendant une bonne partie de la série Garnet représente la stabilité parmi les gemmes. Entre Steven qui est en apprentissage, Amethyst en pleine crise identitaire et Pearl dévastée par la mort de Rose, Garnet apparaît comme le personnage sur lequel les autres peuvent se reposer pour gérer la situation et organiser les missions. Cependant on apprend que cette stabilité est fragile d’une part et d’autre part repose sur une relation contradictoire : Garnet est la fusion entre une noble et une servante. C’est en cela que je trouve que Garnet est passionnante et inspirante : elle sait qu’elle est seule à être dans cette situation, elle souffre de ses contradictions mais est incapable de se confier de par son image de leader. J’ai vraiment hâte de suivre son développement dans les prochains épisodes.
GladOS – Portal (Jeu vidéo)
Sans aucun doute un des antagonistes les plus marquants et les plus charismatiques du monde du jeu vidéo, GladOS est également extrêmement ambigüe. Tantôt intelligence froide, cynique et manipulatrice, tantôt personnage sensible, avouons qu’elle reste fascinante. Si le premier lui donne un aspect relativement monolithique, le second épisode et surtout ses campagnes coop tâcheront de vous convaincre du côté profondément humain de cette intelligence pas très artificielle.
Mabel – Gravity Falls (Dessin animé)
Je pense que quiconque ayant vu cette série sera d’accord avec moi : Mabel est le meilleur personnage. Mabel c’est une enfant qui a parfaitement conscience du monde dans lequel elle vit, qui va être confrontée à des créatures toutes plus cauchemardesques les unes que les autres mais qui va refuser d’abandonner son innocence malgré tout. Mabel c’est Le petit prince au pays des zombies avec une énorme dose d’humour. Si avec ça je ne vous ai pas vendu la série, je ne sais pas ce qu’il vous faut de plus…
Mashiro – Bakuman (Manga)
Bakuman a beaucoup de défauts, vraiment. On peut lui reprocher d’avoir un scénario ultra prévisible, une histoire qui traîne en longueur, d’être pas mal sexiste ou encore que toute sa dimension critique disparaisse au fur et à mesure des épisodes mais malgré tout il reste mon manga préféré à ce jour. J’aime Bakuman car il raconte l’histoire de deux artistes qui galèrent pour essayer de s’en sortir dans le monde difficile de la création et que je me sens proche de ses personnages. Si certes je ne fais pas de mangas mais des jeux vidéo, les nuits blanches pour finir un boulot je connais, les collègues incapables je connais, les illuminés avec qui il est impossible de bosser je connais, les pressions éditoriales je connais. Bref, j’ai l’impression, dans une certaine mesure, de parfaitement ressentir ce qu’ont traversé Mashiro et son acolyte. Et du coup à chaque fois que je relis ce manga, la détermination de Mashiro pour arriver au top me motive moi-même à faire les meilleurs jeux possibles. C’est une histoire simpliste avec des protagonistes assez monolithiques mais ça marche sur moi.
Nomi – Sense8 (Série)
Ma transidentité n’est pas quelque chose que je cache mais je ne suis pas non plus prompt à le crier sur tous les toits. La preuve en est que je n’en ai encore jamais parlé ici. Du coup j’en profite pour dire deux mots ici : Nomi est un personnage très très juste dans sa représentation d’une partie des personnes trans. Quelque-part c’est logique car l’actrice qui la joue est elle-même trans tout comme les créatrices de la série : les sœurs Wachowsky. On peut reprocher à ce personnage de ne montrer que la situation d’une personne blanche et issue d’une famille riche mais après tout le personnage ne nie jamais ces privilèges. Etant moi-même blanche, fille de personnes aisées et passionnée d’informatique je ne peux que m’identifier à cette femme dont, je l’espère, le background sera encore plus développé dans les futures saisons.
Pico Bogue - Pico Bigue (Bande dessinée)
Sans doute le personnage le plus obscur de cette liste mais j’aimerais vraiment que vous jetiez un œil à cette BD. Pico est un enfant dont on va suivre les aventures au travers de gags dont la taille varie d’une demie page à 3 pages complètes parfois. Ce qui le rend absolument passionnant est sans aucun doute sa capacité en une bulle de passer du discours le plus innocent du monde à l’analyse la plus cynique. C’est une sorte de Calvin & Hobbes français mais dans lequel les relations intra-familiales sont beaucoup plus creusées. Finalement, malgré des personnages enfantins, la bd n’est pas orientée spécifiquement pour les plus jeunes et l’on prendra plaisir à lever les yeux de temps en temps pour sourire un peu bêtement face à ce bijou de la bd française. Si vous n’êtes pas convaincu·es, il est possible de feuilleter les albums sur le site de l’éditeur.
Shrek – Shrek (Film)
15 ans après sa sortie au cinéma, je trouve le premier Shrek toujours aussi plaisant à voir. Si je le regardais pour son humour étant plus jeune, j’y décèle aujourd’hui moult sous-entendus qui m’intéressent d’autant plus. Shrek, au final, c’est une histoire d’exclusion, d’oppression et d’acceptation de soi et c’est pour cela que je le trouve aussi passionnant. Le premier film nous parle de la mise en place de l’oppression, de l’exclusion légale au travers de loi totalitaires, toutes ces belles choses. Le second film parle d’une exclusion qui ne repose plus sur des lois mais sur des préjugés culturels et enfin le troisième parle de l’intégration et de la volonté de plier une communauté à des codes qui ne lui conviennent pas. Shrek, au milieu de tout ça, est le personnage qui va devoir s’accepter et arrêter de se considérer comme un monstre puis se faire accepter des autres sans pour autant renier sa propre identité. Une métaphore que j’aime énormément des mécaniques excluantes de notre société. Et Shrek 4 était une bouse nulle à chier qui n’a jamais existé donc je ne l’ai pas intégrée dans mon analyse.
V – V pour Vendetta (Comics)
Comme il le dit lui-même, V n’est pas un personnage mais une idée, une allégorie. Il représente l’espoir d’une société différente, certes imparfaite mais néanmoins plus juste. Il représente aussi les limites morales d’une insurrection populaire, se retrouvant de lui-même obligé à commettre des crimes pour espérer faire aboutir son projet. Ainsi l'œuvre qui porte son nom aborde assez frontalement des questions comme la guerre, les génocides, le viol, les violences conjugales et la torture psychologique. Mais je suis finalement plutôt contente qu’il se retrouve dernier dans le classement car il me permet de conclure sur une note positive et réaffirmer la raison de l’existence de ce top : les personnages de fiction sont des exemples pour nous, du plus crédible au plus fantasque, ils incarnent des visions de la nature humaine et des rapports sociaux. En cela ils nous fascinent, nous émeuvent, nous interrogent et bien d’autres choses encore. V, lui, est sans doute pour moi le personnage qui me donne le plus d’espoir.
Vous aussi chérissez ces personnalités qui vous ont marqué·es et comme d’habitude, cultivez-vous.
Duno
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