21 avril 2014
Cher journal,
Sais-tu que tu possèdes de nombreux points communs avec un autre journal ? Cela dit ce dernier n’existe pas vraiment, il n’est qu’un outil de narration de l’une des plus belles BD qu’il m’ait été donné de lire. Comme toi il s’agit du cadeau d’une grand-mère et comme toi, il a insufflé l’envie d'écrire à quelqu’un. Ce quelqu’un se prénomme Clémentine et, comme moi, elle a reçu ce bel objet alors qu’elle n’était qu’au lycée. C’est d’ailleurs cette vie au lycée qu’elle décide de raconter. Consciencieusement elle relate son quotidien, quotidien qui va d’ailleurs rapidement être bouleversé par l’arrivée de Thomas. Thomas c’est un mec bien tu sais, le genre de mec avec qui tu sors parce qu’il est trop gentil pour que tu refuses ! Et puis « Une fille, ça sort avec des garçons »… D’ailleurs, comme tu dois le savoir malgré ta condition de journal, si « Une fille, ça sort avec des garçons » alors une fille, ça couche avec des garçons. Du moins elle s'en persuade avant de se rétracter au dernier moment. Cet échec la convaincra même de le quitter malgré les certitudes qu’avaient ses amies sur la pérennité de la relation. C’est à partir de ce moment, selon moi, que commence véritablement le récit qui va t’intéresser et que je risque de te spoiler (même si cela t’importe peu puisque tu es un livre n’est-ce pas ?).
24 avril 2014
Cher journal,
Finalement je me suis écroulé de fatigue avant de véritablement commencer mais il est plus que temps d’y remédier ! J’étais donc sur le point de te dire qu’après sa rupture, notre héroïne va se lier d’amitié avec Valentin. Dans un premier temps, tu aurais pu croire au cliché habituel du meilleur ami gay mais ce serait vraiment réducteur. En effet, contrairement à tous ces personnages dont je m’énerve dans tes pages, ici, Valentin est meilleur pote avant d’être gay ! Un personnage LGBTQA qui ne vis pas au travers de sa sexualité, ça existe et tu n’as pas idée à quel point ça fait plaisir ! Ce Valentin va donc aider Clémentine à accepter sa propre homosexualité qu’elle se découvrira avec une fille de son école. Et c’est d’ailleurs toujours grâce à Valentin qu’elle va retrouver une autre fille qui hantait ses rêves depuis qu’elle l’a vu dans la rue quelque mois auparavant. Comme tu t’en doutes, il s’agit de la fille que l’on peut admirer sur la couverture de la BD. Clémentine et Emma (puisque tel est son nom) vont donc commencer à se fréquenter de plus en plus souvent après cette seconde rencontre, puis à se plaire, puis à s’aimer avec toutes les complications que cela implique. En effet Emma est déjà en couple depuis quelques années et Clémentine souffre de l’homophobie de ses camarades et de ses parents. C’est donc clandestinement que démarrera leur relation avant de pouvoir pleinement s’assumer après plusieurs mois. Tu sais cher journal, déjà à ce moment de l’histoire cette dernière m’avait déjà conquis. C’était une des premières œuvres qui traitait avec autant de justesse (du moins d’après mon expérience et celles d’ami·es) de la question de l’homosexualité : elle montre bien que les homos ont exactement les mêmes problèmes de couples que les hétéros, comme la jalousie par exemple, mais qu’en plus vient se greffer à cela des pressions sociales importantes. Ceci dit je ne te raconterai pas la suite de l’histoire car elle apporte une dimension émotionnelle encore plus importante et qui ne se ressent qu’à la lecture, tout en conservant cette justesse dans le traitement de l’homosexualité.
28 avril 2014
Cher journal,
J’espère t’avoir assez parlé de l’histoire pour te donner envie de t’y intéresser. Une fois de plus j’ai manqué de temps pour pouvoir écrire mais j’espère pouvoir me rattraper aujourd’hui ! Tout d’abord il faut que je te parle du dessin, car il n’y a pas de BD sans dessin n’est-ce pas ? Comme je te l’ai dit, la majorité de l’histoire est un flash-back de la vie de Clémentine au travers de son journal intime. Ainsi la majeure partie du dessin est en noir et blanc, à l’exception des éléments bleus comme le ciel ou, plus important encore, les cheveux d’Emma. Ces touches de bleu influencent donc le regard du lecteur dans la case, traduisant la direction du regard de Clémentine. Cependant les quelques moments se passant dans le présent sont, eux, en couleurs car le point de vue adopté n’est plus forcément celui de Clémentine, permettant à notre œil de se balader dans la page. C’est d’ailleurs le passage à la couleur qui m’a fait prendre conscience que je n’avais pas vraiment fait attention aux décors dans les pages en noir et blanc, tout comme je ne me focalise pas forcément sur le décor lorsque je me plonge dans mes souvenirs que je te confie. Et puisque je te parle des dessins, j’aimerais te parler plus longuement de la couverture que j’apprécie tout particulièrement. Je trouve qu’elle résume parfaitement tout l’ouvrage : Emma est au premier plan car elle est le centre de l’attention mais de dos car mystérieuse et inaccessible pendant une bonne partie du récit. Tandis qu’au dos de la couverture se tient Clémentine, plus effacée et plus petite car beaucoup moins sûre d’elle et ne possédant pas de pointe de couleur qui la détacherait du décor. C’est parfaitement comme ça que j’ai ressenti leur relation pendant la narration de Clémentine ! Tu sais bien que je juge rarement un titre à sa couverture mais ici elle correspond tellement parfaitement au contenu que je fais un exception à cette règle.
L’autre point dont il fallait que je te parle est la portée politique de cette bande dessinée. Ce qui est intéressant, c' est que la partie politique est implicite, à aucun moment il n’est dit « Tu dois militer » ou « Tu ne dois pas militer » ou même s’il est nécessaire de soutenir la cause LGBTQA. Cependant, on comprend parfaitement le point de vue de l’auteure. En effet, brosser un portrait d’une relation homosexuelle avec la même intensité et les mêmes prises de têtes qu’une relation hétérosexuelle montre qu’il n’existe pas de raison de discriminer les homos. Le but est finalement de montrer qu’une histoire d’amour est une histoire d’amour qu’importe le sexe et le genre des protagonistes. Le seul moment explicitement militant est une case dans laquelle on voit Clémentine imaginer un enfant à côté d’Emma afin de «compléter leur bonheur» mais cela s’intègre parfaitement dans le récit donc ce n’est pas véritablement gênant. D’un autre côté ces prises de positions ne sont pas étonnantes vu que l’auteure, Julie Maroh, n’a jamais caché sa propre homosexualité. Mais tu sais, si je dis ça, je suis sûr que des gens vont venir me dire «Mais en fait elle milite juste pour sa cause blablabla». Je leur répondrai sans doute quelque chose comme «oui et ?» car elle est du coup bien mieux placée que beaucoup d’autres pour exprimer tous les tenants et aboutissants d’une relation lesbienne. Mais bon, comme tu sais, y’a peu de chances que l’on m’écoute même si je le dis. Tout ça pour te dire que l’on comprend bien que Le bleu est une couleur chaude se place clairement en défenseur du mariage entre homosexuel·les et en faveur d’un moyen pour ces couples d’avoir des enfants. Et ce, simplement en montrant une relation homosexuelle telle qu’elle est : une relation comme une autre.
Tu sais, je t’ai dit en préambule que c'était un des plus belles BD que je n’ai jamais lue n’est-ce pas ? Et bien je me répète ici : cette BD est magnifique ! Alors certes le fait qu’elle parle d’un sujet dans lequel je me sens impliqué aide peut-être mais la qualité des dessins mêlée à une histoire simple mais parfaitement menée de bout en bout n’y sont pas étrangères non plus... Tu sais, à chaque fois que je la finis, je pleure comme un môme pendant dix bonnes minutes. Rien que de me rappeler de ce récit me fait monter les larmes aux yeux. C'est bête, je ne vois plus ce que je t'écris du coup alors que j’espérais m’inspirer de ce que j’ai inscrit ici afin de transmettre mon amour pour ce que je considère comme un chef-d’œuvre à mes éventuel·les lecteurs et lectrices sur La colonie...
Duno