Date de sortie : 4 Mai 2016 (19 Juin 2015 en Angleterre)
Réalisateur : Bill Condon (The Fifth Estate, Twilight Chapitre 4 & 5)
Nationalité : Britannique, Américain
Casting : Ian McKellen, Laura Linney, Milo Parker
Synopsis : Depuis longtemps à la retraite, Sherlock Holmes vit paisiblement dans le Sussex. Mais une affaire vieille de 50 ans le hante. Malgré l'absence de Watson et sa mémoire qui flanche peu à peu, le détective va tenter de résoudre son ultime enquête.
Un phénomène historique
Dès ses premières aventures apparues dans the Strand Magazine, Sherlock Holmes est devenu l'égérie des lecteurs et lectrices londonien.ne.s et outre-atlantique, si bien que le personnage de fiction est devenu une figure historique. En effet, on peut en parler aisément comme du premier objet d'adoration à grande échelle par des fans dans l'Histoire de la culture. Certains lui envoyaient des lettres au 221B Baker Street et il a même eu le droit à ses propres biographes, à l'instar d'une figure historique, donc. Une discipline a également été créée : les études holmésiennes qui consistent à retracer la vie du détective grâce aux écrits de son acolyte, le docteur Watson (tout en comparant avec certaines erreurs commises par Conan Doyle qui après 40 ans passés à construire son personnage s'emmêlait quelque peu les pinceaux).
Paradoxalement (et ironiquement), si beaucoup vouaient une vénération sans faille pour Sherlock, son auteur en a développé une véritable phobie. L'écrivain, qui souhaitait passer à autre chose en créant des œuvres "plus nobles" disait-il, et qui souffrait du harcèlement de ses lecteurs, était bloqué par Strand Magazine qui refusait qu'il mette fin à son contrat. Il a donc décidé, ni plus ni moins, de tuer le détective dans Le Problème Final. Solution efficace, il est vrai, mais pas du goût des fans qui se sont mis à lui envoyer des lettres d'insultes et de supplications. Conan Doyle résiste dix ans pendant lesquels il peut enfin s'adonner au genre plus sérieux du livre historique mais il craque finalement en 1901 et écrit Le Chien de Baskerville qui, même s'il se déroule avant Le Problème Final, étanche la soif des fans avides des enquêtes de Sherlock Holmes. Aujourd'hui, le phénomène est toujours aussi grand, il s'intensifie même depuis une dizaine d'années avec toujours plus d'adaptations. On en est donc, en plus des quatre romans et 56 nouvelles canoniques de Arthur Conan Doyle, à 260 films (y a du marathon à faire), sept séries, seize téléfilms, cinq dessins-animés et trente jeux vidéo. Et après on se plaint des films de super-héros !
Et justement, ce phénomène d'engouement est réutilisé dans le film de Bill Condon, en voici donc une rapide critique !
Mr. Holmes, la fiction dans la fiction
Dans mes pronostiques des sorties Ciné de la semaine, j'évoquais ma crainte du fait que Mr. Holmes ne dépasse pas le stade des bonnes idées notamment à cause de son réalisateur. En effet, Bill Condon est quand même l'individu qui nous a "offert" The Fifth Estate et les deux derniers Twilight, forcément il est difficile de partir confiant avec ce constat. Pourtant, Mr. Holmes réussit à tous les niveaux !
Nous suivons donc un Sherlock Holmes fatigué, qui doit composer avec des pertes de mémoire de plus en plus importantes mais surtout sans son cher ami Watson. Cette thématique de l'effritement de la légende est très bien amenée et traitée, on est pris d'affection pour le vieil homme sans que cela ne tombe dans le pathos. On le doit en grande partie à Sir Ian McKellen qui livre une de ses meilleures performances de ces dernières années, à 76 ans c'est assez impressionnant ! Son interprétation est toute en finesse et ce dans les deux temporalités dans lesquelles on le suit. En effet, l'intrigue se construit sur plusieurs périodes, principalement faites de flashbacks. Si le procédé peut être perturbant dans d'autres films, ici il n'en est rien, le rythme est certes (volontairement) lent, mais parfaitement compréhensible. Il s'agit ici de plonger dans les souvenir d'un vieil homme qui se bat contre une mémoire qui défaille, de le suivre dans sa jeunesse, dans sa carrière, augmentant donc le lien que l'on peut avoir avec lui.
À cela s'ajoute toute une dimension meta très étonnante. Dans cet univers, Sherlock Holmes est une célébrité, si bien que des œuvres ont été créées selon l'hagiographie faite par le docteur Watson. On se retrouve donc avec un Sherlock Holmes regardant un film Sherlock Holmes, un personnage de fiction face à sa propre fiction. Si la série Sherlock a été acclamée en partie pour les nombreux clins d’œil qu'elle fait à l'œuvre de Conan Doyle, ici nous sommes face à quelque chose de plus grand. La thématique principale est celle de la fin d'une légende, que ce soit celle au sein de l'histoire, ou celle de l'Histoire. Je n'épiloguerai pas pour que vous puissiez garder le plaisir de découvrir tout le reste mais ce point suffit à en faire un bon film.
Pour parler rapidement de la réalisation, Bill Condon ne nous offre rien de bien nouveau mais tout est fait avec efficacité. Surtout, il nous permet d'admirer des paysages particulièrement magnifiques, nous donnant soif de voyages dans la campagne anglaise (quand on a besoin de vacances c'est éprouvant). Le film prend donc une dimension presque sensorielle et "douce", à l'image d'un homme qui a tout vu, tout vécu et qui n'a plus qu'à transmettre son héritage.
Mr. Holmes est donc une réussite, principalement grâce à McKellen qui porte une grande partie du film (il est parti pour nous survivre la faquin !) mais aussi grâce à ce qu'il représente, une œuvre qui nous confronte à la mortalité d'une légende de la culture.
C'en est fini de cette critique, on se retrouve très vite pour la prochaine et en attendant, cultivez-vous !
Ipemf
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