[Jeux Vidéo] Sea Salt – Tu me prêtre un tentacule ?

Imaginez : vous êtes archevêque dans une ville portuaire. Tous les jours, vous priez Dagon, Dieu des océans afin que votre ville soit prospère, comme ça, comme tout bon prêtre corrompu, vous pouvez détourner l’or de l’Église en toute impunité. Dagon est grand, Dagon est bon, Dagon est exigeant, mais surtout Dagon réclame des sacrifices. Et c’est à vous qu’il va parler, vous donnant les noms de ceux que vous devrez exécuter pour lui. Après tout, qui irait pleurer le scribe ? Ou une pauvre enseignante ? En bon prêtre zélé que vous êtes vous vous y attelez. Et c’est ainsi que vous dirigez cette ville, prospère uniquement grâce au sang des malheureux.
Mais voilà, un jour, Dagon réclame l’archevêque de Nova Ugarit : en d’autres termes, vous. Et là encore, en bon prêtre que vous êtes, vous allez refuser de vous sacrifier ! Comment pourriez-vous profiter de tout cet or détourné si vous êtes condamné à être entraîné dans les profondeurs ? Et c’est ainsi que vous allez déclencher la colère de Dagon. Vous aurez beau vous réfugier dans votre église, préparer votre milice, envoyer les pauvres paysans et pêcheurs en première ligne grâce à vos mensonges, c’est trop tard. L’océan gronde, ils arrivent, ils sont en marche, ils vont tout raser sur leur passage, ne laissant derrière eux que les ruines fumantes de votre égoïsme. Et tout ça pour venir récupérer de qui revient à Dagon de droit : vous.
Sea Salt, contrairement à ce qu’on aurait pu penser, ne raconte pas la vie de Sardoche, mais nous entraîne à Nova Ugarit alors que de sombres créatures commencent à sortir de l’eau pour venir vous chercher.

Vous avez été appelé.

Un game design épuré

Comme vous l’aurez compris, dans Sea Salt vous incarnez… Dagon ! Bah oui, vous n’allez quand même pas jouer un religieux pleutre, menteur et couard ! Votre but va donc être de vous frayer un chemin jusqu'à l'église où se terre l’archevêque et de le ramener avec vous par la peau des fesses dans les profondeurs de l’océan. Pour ce faire, vous allez passer par le biais d'apôtres qui se chargeront de guider vos troupes.

Comme vos yeux experts l’auront remarqué, tout est en pixel art, parfois un peu grossier, mais regorgeant de détail à qui prend le temps de regarder. Vous pourrez donc admirer les magnifiques et ingénieux moyens mis en place par notre archevêque bien-aimé pour animer les sacrifices en arrières fond. Laissez-moi vous dire qu’il ne fait pas bon vivre à Nova Ugarit.

Le monde est divisé en niveaux, chaque niveau comprenant plusieurs salles dans lesquelles il vous faudra venir à bout des ennemis présent pour accéder à la suite.
Avant chaque niveau, vous aurez la possibilité de choisir votre apôtre : vous commencerez avec Aghra de Pesca, mais vous en débloquerez vite de nouveaux, proposant ainsi un style de jeu différent et de nouvelles stratégies.

Aghra De Pesca, moins badass que Kerrigan, mais tout aussi efficace.

Comme vous pouvez le voir, votre armée de départ dépends de votre choix d’apôtre. Ici, nous commençons avec 25 Hordes, qui sont en gros des zerglings, soit des vermines affamées grouillantes en nombre important pour ceux qui ne connaissent pas la bestiole de Blizzard.

En jeu, nous ne dirigez qu’un curseur que votre armée suit frénétiquement. C’est aussi simple que ça. Vous aurez besoin de deux touches. L’une à maintenir pour leur ordonner de manger, votre armée attaquera donc tout ce qui est à porter tant que la touche est maintenue. L’autre pour invoquer des renforts. Notez qu’il y a toutefois une autre touche ne servant que pour les actions, comme passer au niveau suivant les dialogues, etc. mais qui n’a aucune utilité dans le gameplay.

Comme vous le voyez, si votre curseur passe sur des bâtiments, vos petits chéris se colleront au côté de la bâtisse la plus proche de votre curseur.

Un gameplay surprenant

J’ai été surprise, je dois l’avouer, de la richesse proposée par le gameplay. Chaque créature que vous pouvez invoquer à ses statistiques : la santé, l’attaque, la vitesse, l’horreur. Figure aussi le nombre invoqué à chaque renfort. De plus chaque créature à un petit texte descriptif, précisant des fois une utilité particulière, comme par exemple, les crabes qui sont résistant au feu et parfaits pour contrer les lances flammes.

Toutes ces monstruosités sont présentées sous forme de cartes. À chaque boss abattu vous gagnez une carte de créature. Il en a d’ailleurs d’autres de dissimulées dans les niveaux du jeu. 

Ici, dès que vous invoquerez ces créatures, elles arriveront par lots de 13 !

Entre chaque salle d’un même niveau, vous préservez votre armée. Vous aurez d’ailleurs de nombreuses occasion de combler les pertes que vous aurez subi. Chaque autel de prière que vous croiserez vous permettra d’appeler des renforts. De plus, quand vous mangez des ennemis, certains d’eux laisseront tomber l’or qu’ils ont sur eux. Vous pouvez le récupérer et avec un certain montant, votre apôtre aura la possibilité de faire une offrande à Dagon, celui-ci vous offrant des renforts spontanément, sans autel. À utiliser au moment opportun ! 

Un autel et de l'or !

À la fin de chaque niveau votre progression au sain de la ville sera affichée. Vous serez amené à faire des choix de direction, qui, sachez le, ne mèneront pas aux mêmes boss, et donc aux mêmes cartes monstre débloquées. Toutefois, vous gardez vos cartes d’une partie à l’autre, donc vous pouvez recommencer le jeu, en empruntant les autres routes afin d’étoffer votre deck de monstres. Sachant que vous débloquerez des arènes au fil du jeu, ainsi que le mode difficile une fois celui-ci terminé.

Voilà pour la présentation du gameplay ; maintenant regardons plus en profondeur. Le jeu nous propose une statistique d’horreur, elle est le cœur du jeu et bien l’exploiter est ce qui vous permettra de surmonter toutes les épreuves.
Voyez-vous, chaque créature peut faire paniquer un adversaire. Si un crabe peut faire paniquer un paysan, sachez qu’un soldat ne paniquera pas et restera à combattre même s’il est encerclé et vous tuera moult créatures d’un simple coup d’épée. Car, oui, un adversaire prit de terreur commencera à fuir. Vous l’aurez vite envisagé : mal géré, vous passerez votre partie à courir après des ennemis qui fuiront, s'arrêteront, vous tirerons dessus à distance, et recommencerons à fuir dès que vous vous approchez trop. En gros, vous vous ferez “kite” comme en dit dans le jargon. 

L’astuce est dans la gestion du déplacement de votre nuée de monstres. Je m’explique.
Quand vous déplacez vos troupes, celles-ci évitent automatiquement les obstacles, le feu et autres pièges, cependant quand vous enfoncez la touche d’attaque, elles se ruent sur leurs adversaires sans prêter attention à ce qui les entoure. Il vous faudra donc utiliser cet ordre d’attaque intelligemment. Par exemple, ordonner à vos troupes de courir sur un ennemi, et donner l’ordre d’attaque qu’une fois que ce dernier est encerclé, l'empêchera de courir dans tous les sens.
Chaque unité a sa propre vitesse et en leur demandant de parcourir une certaine distance votre armée risque de se diviser en deux : les lents, et les rapides. Vous pouvez ainsi envoyer les rapides d’un côté d’un bâtiment et les lents de l’autre afin de prendre en tenaille les adversaires voulant fuir. 

Mes hordes et mes hommes-grenouilles, rapides, à droite, mes larves et ma créature, lentes, à gauche.

Il sera de votre ressort de trouver les bonnes synergies entre créatures, mais aussi entre apôtre et créatures. Sachant que chaque ennemi a ses faiblesses et ses point forts et qu’il vous faudra gérer des ennemis différents en même temps. Un vrai petit challenge.

Une histoire d’abus

Au commencement, il y a votre colère, celle d’un Dieu contrarié. Vous avez ordonné à l’archevêque de Nova Ugarit de venir vous rejoindre dans les profondeurs, mais celui-ci s’est comporté en lâche et a fui. S’il ne vient pas à vous, vous allez venir à lui pour le ramener de force là ou il aura l’éternité pour méditer sur l’ancienne prophétie “Là-haut, ils bossent toute la journée, esclavagés et prisonniers. Pendant qu'on plonge comme des éponges sous l'océan“, ô combien terrible châtiment. C’est alors vos troupes se lèvent. Vous choisissez lequel de vos fidèles apôtres sera en charge de les faire remonter vers la surface, et l'apocalypse est en marche. C’est par une ancre de bateau que vous remontez jusqu’au port de la ville. Sans oublier de prendre le temps pour votre casse-croûte-équipage bien entendu. Et c’est ainsi que la boule-de-neige est lancée. Le bateau sombre, puis le port, puis un quartier de la ville, puis le second, puis la ville entière.

Le bateau, lui aussi parti rejoindre Dagon dans les profondeurs des abysses.

Rien ne semble arrêter ces nuées de l’apocalypse. Aussi, votre archevêque préféré tentera par tous les moyens de vous arrêter, quitte à engager de puissants bourreaux pour vous barrer la route.

Notre bourreau a visiblement passé son temps à s'entraîner sur de malheureux humains.

Dagon restant un être mystérieux, ne se déplaçant que pour écarteler de rares élus, il ne sera que peu développé : en effet, l’histoire est basée sur celle de l’archevêque et la chute de sa ville. Vous assisterez ainsi à de petites scènes, entre niveaux, vous montrant les actions désespérées de votre tyran local. Souvent exaspérants, pouvant prêter à sourire, ses mensonges, ses plans, ses ordres et ses abus de pouvoir sauront vous mettre le personnage en horreur : il ne vous faudra pas moins de deux niveaux pour cautionner les actes du Dieu des océans tellement l’archevêque vous semblera ridicule, infect et insupportable.

L’histoire, alliant un peu d’humour macabre à l’ambiance plutôt lugubre, réussit à mettre en place un univers simple mais cohérent, qu’on a envie d’explorer.

En conclusion

Sea Salt est un jeu original, s'apparentant un peu à un Tower Defense, mais inversé. Ici, vous contrôlez le flux de monstre que les tours essayent désespérément d’arrêter et c’est à vous de ruser pour y arriver. Le jeu est court, mais la possibilité de refaire ce dernier en choisissant un autre chemin et donc de débloquer de nouvelles cartes permet d'apprécier facilement une deuxième partie.

Les musiques sont minimalistes, mais portent bien l’ambiance du jeu, vous aurez la possibilité d’admirer les bruits de petites bêtes qui grouillent et le son de votre armée, car chaque type d’unité a un petit bruitage et un son particulier, et ce sans jamais devenir un brouhaha désagréable ou inaudible. C’est très appréciable.

D’ordinaire, je fais un petit point inclusivité dans ma conclusion, vous comprenez qu’ici c’est un peu difficile. Sachez juste qu’aucun animal n’a été blessé dans ce jeu. Oui, les moutons n’ont rien à voir avec la folie des hommes et seront épargnés. 

Peut-on être un monstre vegan et manger des humains ? Vous avez 4h.

Le jeu, passé à côté des projecteurs, nous ne pouvons le nier, est auto-édité par le studio, notamment grâce à un Kickstarter financé de justesse en avril 2018. Je vous vois venir, comment ai-je pu avoir connaissance de ce jeu si personne ne le connaît. Et bien, il s’avère que les deux personnes créatrices ont pour amis Jonatan Söderström et Denis Wedin. Et oui ! Bien-sûr vous savez qui sont ces personnes comme vous avez lu mes articles précédents, n’est-ce pas ?

Du coup, je suis l’heureuse détentrice d’un T-shirt et d’un poster que je n’avais pas commandés dans le Kickstarter. Une histoire de surplus de stock, tout ça.

En bref, le duo YCJY nous offre ici un jeu expérimental, à la mécanique simple mais efficace, demandant au joueur de s’adapter et d’user de ruse, tant ce gameplay n’est pas habituel. La longueur est bien jaugée, assez longue pour pouvoir avoir une hausse de la difficulté progressive mais pas trop, ne tombant ainsi pas dans la répétitivité. De plus, ils nous proposent un panel de monstre lovecraftien, allant du cultiste à l’homme poisson en passant par les masses informes de chairs rampantes. Bref, de quoi ressortir votre nécronomicon et de faire comme eux. En d’autres mots : cultistez-vous.

Tieffeline

Sea Salt

Genre : Expérimental ?

Date de Parution : 17 octobre 2019

Développeur : YCJY

Éditeur : Auto-édité par YCJY

Support : PC, MacOS, Linux

Prix : 15€ sur Steam

 

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