[Jeux Vidéo] Katana ZERO

Avez-vous eu des jeux qui vous parlent tellement, qui vous surprennent d’une façon si particulière, qui vous touchent au point de vous faire verser des larmes, au point que jamais vous n'oublierez l’expérience que vous avez vécu ?
Moi, oui, beaucoup. Et puis il y a de ces jeux, plus rare, qui sont encore au-dessus de ça. Ceux que je qualifie de chefs-d’œuvre car, à mes yeux, ils sont une alchimie parfaite, et changer, ne serait-ce qu’un petit détail, casserait tout l’équilibre fragile sur lequel repose entièrement l’œuvre.
Ces jeux ne sont pas ceux sur lesquels j’ai passé le plus de temps ; refaire l’aventure ne me procurerait plus les mêmes sensations, mais ce que j’ai vécu avec eux est inoubliable et à chaque fois, j’ai fini les yeux inondés.
La dernière fois que je suis tombée sur une œuvre de ce calibre remontait à 2016. Oui, remontait, car aujourd’hui, un troisième jeu vient de rejoindre mon panthéon des divinités vidéo : Katana ZERO.

Avant de commencer, je tiens à vous avertir d’une chose : ce jeu parle de drogue et est violent. D’une violence extrême, portée à son paroxysme. Ne prenez pas cet avertissement à la légère si vous êtes sensible, pour information le jeu à été interdit à sa sortie en Australie pour cette raison, avant d’être acceptés 3 mois plus tard avec un classement 18+. Il n’est clairement pas à mettre entre toutes les mains. Cependant, cet article n'abordera pas ce sujet dans les détails et restera safe.


Coté gameplay, c’est de l’arcade !


C’est nerveux. C’est un peu l’enfant illégitime de Hotline Miami, tant par le gameplay frénétique que par la violence omniprésente. Et c’est sans grande surprise que le développeur place le jeu de Dennaton Games dans ses inspirations.

Katana ZERO se présente au premier abord comme un jeu de plateforme, vue de profil, avec les notions de murs, hauteur et chute si caractéristique à ce style. Cependant, ici le niveau se présente sous forme de salle, où il faudra venir à bout de tous les ennemis présents en un temps limité pour pouvoir aller à la suivante. Et pour ce faire, vous avez votre Katana et votre environnement. C’est tout.

Avant...

Ici pas de point de vie, chaque coup est fatal. Que ce soit pour vous ou vos opposants.

Pour les contrôles, c’est aussi du basique. Un coup d’épée, un saut, une touche pour actionner les leviers et les portes, et une touche pour prendre les objets et les lancer. Ajouter à ça une roulade et une touche pour utiliser la capacité du personnage, et nous avons fait le tour.

Une capacité me dites-vous ? Oui, j’appelle ça “la concentration”. Avec cette touche, votre personnage va se concentrer et le temps va ralentir, grâce à ça vous pourrez, par exemple, renvoyer une balle d’arme à feu à l’aide de votre katana. Je vous arrête de suite, ne pensez pas vous la jouer maître du temps, vous pouvez vous concentrer pour ralentir le temps que pendant un moment très limité, et vous êtes vous aussi au ralenti, vos coups et vos mouvements sont aussi lents que ceux de votre adversaire. L'intérêt est de juste pouvoir avoir un timing parfait qu’il serait très dur d’avoir sans. Oui, car intercepter une balle avec une lame ou encore, passer entre les pales d’un ventilateur en marche, est plutôt compliqué niveau timing, on ne va pas se mentir. Toutefois, sachez qu’il est possible de désactiver cette capacité, qui n’est ici que pour une question d’accessibilité de la difficulté.

... après.

Le temps limité de chaque salle est d’ailleurs très peu impactant, tant la marge de temps est large, il est là uniquement pour pousser les joueurs à être rapide et pour certains succès. Le gameplay simple, très arcade, étant très adapté à un jeu rapide, l’échec n’étant pas pénalisé et le fait qu’on puisse enchaîner les tentatives sans temps mort fait qu’on se prête facilement au jeu du speedrun.

Un game design de maître !


Graphiquement, comme vous avez pu le constater, c’est du pixel art. C’est très bien maîtrisé et toujours compréhensible. Le style est très rétro, le jeu est présenté sous forme de cassette VHS, on y retrouve les écrans cathodiques avec leurs effets de glitch et de grésillement assez connu. Le tout est d’ailleurs souligné avec brio par une bande-son électro majestueuse rendant le tout hypnotique. Attention toutefois si vous êtes épileptique. Pour un petit aperçu, voilà la musique du premier chapitre, imaginez-vous découper vos ennemis sur cette piste hypnotique et lancinante.

La sélection de chapitre se fait via les cassettes VHS de vidéo-surveillance.

D’un point de vue construction le jeu est présenté sous forme de chapitres, et chaque chapitre est séparé en deux parties : l’une calme, de narration, l’autre violente et nerveuse, d’action. Du moins au début, car le format évolue avec l’histoire. Nous y reviendrons. Ce schisme entre ces deux phases opposées mais complémentaires forme un genre d’harmonie audacieuse pleine de tension, de nervosité mais aussi de sérénité. Le tout formant un “calme après la bataille” assez dérangeant où contraste une vie de tueur avec une vie classique, rendant l’inhumain humain. Une atmosphère pesante, lourde de sens, retrouvable dans Hotline Miami ou, dans une autre mesure, dans FURI.

Une des petites pépites de game design se trouve dans la gestion des dialogues. Ceux-ci, en plus d’être vraiment bien travaillés et animés, présentent un système vraiment très intéressant, qui à mes yeux, devrait servir d’exemple pour d’autres studios. Chaque dialogue est muni d’une barre, en dessous, divisée en deux : un côté est rouge, le gauche, alors que l’autre est blanc, le droit. Au fur et à mesure que le texte s’affiche un curseur avance le long de cette barre de gauche à droite. Tant que le texte s'écrit, vous êtes dans la partie rouge, quand le texte a fini de s’afficher vous êtes dans la partie blanche.

Votre psy est en train de parler, l'interrompre l'énervera.

Vous pouvez sélectionner des réponses quand vous le voulez, sachant que si vous répondez pendant que vous êtes dans la partie rouge, vous couperez la parole à votre interlocuteur. Les réponses possibles sont d’ailleurs différentes suivant dans quelle partie vous vous situez.

Votre psy a fini de parler, c'est le moment de vous livrer à lui.

Bien sûr, personne n’aime se faire couper la parole, mais des fois, énerver quelqu’un est aussi le bon moyen pour arriver à ses fins. Il faudra juste assumer, car la suite sera impactée suivant tous vos choix, dialogues et actions. Les niveaux ne changeront pas, à une ou deux exceptions près, mais toutes les informations sur l’histoire, les dialogues et les choix possibles que vous aurez seront en fonction de vos actions précédentes.

Oui, j'avais fait le choix de dire que j'étais en cosplay pour passer la sécurité au début du niveau.

Ces conséquences directes et la possibilité de pouvoir couper court à certaines conversations permettent de dynamiser les dialogues écrits, ceux-ci étant déjà mis en valeur avec un design d’animation, de couleur et de son remarquable. Les pavés de texte pouvant être parfois indigestes et être une partie du jeu que le joueur subit, ils sont ici une part entière du gameplay et offrent un vent de fraîcheur permettant même aux plus réfractaires aux textes dans les jeux de se prêter à l'exercice et de l'apprécier.

Et l’histoire dans tout ça ?


Ceux qui m’ont déjà lu le savent, ce qui me plaît plus que tout, ce sont les histoires travaillées et cryptiques. Ici, Katana ZERO, nous en offre une de qualité. Il va être ardu de vous parler de l’histoire sans la spoiler, aussi je ne rentrerai pas dans les détails de celle-ci.

Le jeu débute sur un message. “Plus que 10 jours”. Sans autre précision nous retrouvons notre protagoniste sur les toits de la ville pour apprendre les commandes basiques et le chapitre 1 commence. Votre but ici, est de délivrer un scientifique. Votre employeur vous le rappelle : pas de survivant. Comme au début de chaque phase d’action vous mettez vos écouteurs, la bande son est lancée, vous aussi.

Votre chez vous avec votre tasse de thé sur le bar, votre canapé et vos voisins bruyants.

Une fois la mission accomplie, vous rentrez chez vous boire votre thé, regarder les infos à la TV, et dormir. Et comme chaque nuit, votre sommeil vous ramène au même rêve : un enfant dans une maison, il joue à la balle avec une forme floue, quelque chose rentre, s'arrête et d’un coup grossit et lui saute dessus. Ça dure 1 seconde, c’est rapide, c’est flou, et à peine le temps de comprendre ce qu’il s’est passé que vous vous réveillez en sursaut à l’aube. “Plus que 9 jours”. C’est l’heure d’aller chez votre psy.

Votre cauchemar, qui deviendra de plus en plus clair avec le temps.

Votre psy vous accueil, vous parle de vos cauchemars, de votre employeur, et vous transmet un dossier avant de vous administrer votre médicament.
Vous quittez les lieux et ouvrez le dossier. Il s’agit de votre prochaine cible, votre prochaine mission. Vous détruisez le dossier et vous voilà embarqué dans le chapitre 2.

Votre prochaine cible.

C’est suivant cette même manière que les premiers chapitres se déroulent, instaurant la routine quotidienne de notre épéiste. Mais tout va vite déraper avec une cible un peu trop bavarde. Ou à moins que ce soit quand vous êtes arrivé trop tard ? Ou alors quand vous êtes tombé dans un piège ? Vos cauchemars commencent à être plus lucides, à vous apporter des réponses. Qui est ce psy qui vous demande de tuer des gens d’ailleurs ? Quel est ce médicament que vous prenez quotidiennement ? Et votre pouvoir dans tout ça ? Tant de questions qui viendront ponctuer votre aventure, mais toutes étant liées à une autre, plus globale : est-ce que tout ça est réel ?

Dans Katana ZERO, sachez que tout, absolument tout fait partie de l’histoire. Même l’échec. Quand vous mourrez dans un niveau, ça fait partie de l’histoire. Pas de “game over”, pas de “vous êtes mort”. Voyez-vous, votre tueur en série possède un pouvoir. Et non, je ne parle pas de cette capacité à se concentrer et ralentir le temps. Votre épéiste a un don de prémonition. Chaque tentative que vous faites pour compléter une salle est une projection mentale, une planification du plan d’action. Je m’explique.

Une scène où vous mettrez votre pouvoir à rude épreuve.

Quand vous jouez, que vous tuez les ennemis, tout ça se passe dans la tête de notre protagoniste. C’est tout ce qu’il prévoit de faire. Si vous réussissez vous avez un message “Oui, ça devrait marcher” et votre personnage se lance, vous le voyez alors tuer tout le monde dans le niveau pour finalement en sortir, le tout de façon autonome et avec le point de vue d’une caméra de surveillance. Si vous mourrez, un échec vous affichera juste un message du type “Non..., ça ne marchera pas”, avec un effet de VHS qui se rembobine et vous reprendrez votre planification mentale au début. Le temps limité des niveaux représentant la capacité de notre samouraï à se souvenir de toutes les actions qu’il prévoit.

Ici, par exemple, j’ai accompli ma mission, puis j’ai sauté du balcon. ¯\_(ツ)_/¯

Maintenant laissez moi vous poser quelques questions. Que se passe-t-il quand deux personnes avec ce pouvoir de prémonition s’affrontent ? Lequel planifie l’autre ? Est-ce que tout est planifiable ? Même ce dont on ignore l’existence ? Ce jeu pousse loin le concept qu’il crée. Très loin.

En conclusion


Katana ZERO
est un très bon jeu d’action plateforme hypnotique nous proposant un voyage violent et psychologique à outrance dans les bas quartiers industriels d’une ville. Son système de narration déconstruite et sa gestion des dialogues peuvent permettre même aux plus réfractaires d'apprécier l’histoire cryptique. Le gameplay nerveux est prenant et addictif, les plus conquis pouvant même se risquer au mode speedrun. Le tout l’est d’autant plus grâce à cette bande-son synthwave majestueuse signée Bill Kiley et LudoWic (ceux qui me lisent savent à quel point le sound design est important à mes yeux). Les chasseurs de succès auront aussi droit à de petites surprises, comme l'existence d’un 12e chapitre permettant de changer d’arme.

Coté inclusion, bien que nous soyons encore dans le stéréotype de l’homme blanc mis en avant avec le protagoniste qui, soyons honnêtes, n’est pas un héros, il est bon de noter la présence de personnages féminins dans l’histoire. Sur 8 personnages importants, 3 sont des femmes avec des rôles clé de l’histoire. Ce jeu évoque aussi le racisme, mais uniquement envers une ethnie inventée pour l’occasion : les Cromags. Outre cette ethnie, nous croiserons des personnes asiatiques, arabes, russes et allemandes.

Ici, votre ami russe et son acolyte asiatique.

De plus, si vous avez l’œil vous pourrez voir de jolis caméos d’autre jeux de la scène indépendante, dont Shovel Knight, Duck Game ou Rivals of Aether.

Et pour finir en beauté, sachez que notre cher Justin Stander, l’unique personne derrière ce chef-d’œuvre, a annoncé un DLC gratuit permettant d’avoir une belle conclusion à cette histoire pour récompenser les joueurs de l'accueil qu’a eu son jeu. Toutefois, il n’est pas encore sorti.

C’est ainsi que se clôt ma parenthèse d’ultraviolence, et en toute bonne dichotomie qui se respecte, je vous laisse pour retourner à ma phase de calme sur Stardew Valley, planter des navets. Faites comme eux : Cultivez-vous.

Tieffeline

Katana ZERO

Genre : Action, Plateforme, Die'n'retry

Date de parution : 18 avril 2019

Développeur : Askiisoft

Éditeur : Devolver Digital

Support : PC, MacOS, Nintendo Switch

Prix : 12,50€ sur Steam / 15€ sur le Nintendo eShop

 

 

 

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