Attention : tout comme le film dont il est question, l'article qui suit traitera de sujets difficiles.
TW/CW : mort, claustrophobie.
What’s up les gens !
L’année dernière (le 17 août 2016 pour être précis) nous découvrions Dernier Train pour Busan de Sang-Ho Yeon. Ce film avait plusieurs intérêts. Déjà, il nous permettait de voir des gens se faire bouffer par des zombies et ça, ça n’a pas de prix. Mais surtout, il permettait un certain rafraîchissement du cinéma de genre international et plus précisément des films catastrophes en sortant des vieux motifs eschatologiques américains post 11 septembre. Busan était extrêmement critique envers la classe dominante/capitaliste coréenne et cela apportait du neuf dans un cinéma catastrophe en perte de vitesse.
Séduit par ce cinéma coréen qui gagne en popularité dans nos salles, c’est tout naturellement que j’ai sauté sur le film dont nous allons parler aujourd’hui : Tunnel.
Casting : Ha Jung-Woo, Donna Bae, Dal-Su Oh
Genre : Catastrophe, Thriller, Drame
Synopsis : Alors qu'il rentre retrouver sa famille, un homme est accidentellement enseveli sous un tunnel, au volant de sa voiture. Pendant qu'une opération de sauvetage d'envergure nationale se met en place pour l'en sortir, scrutée et commentée par les médias, les politiques et les citoyens, l'homme joue sa survie avec les maigres moyens à sa disposition. Combien de temps tiendra-t-il ?
Nationalité : Sud-coréen
TW/CW : Claustrophobie, mort, sang, suicide
Tunnel est donc un film catastrophe à toute petite échelle, à l’instar de ceux des années 70 comme La Tour Infernale de J. Guillermin ou L’Aventure du Poséidon de R. Neame. Ici, pas de planète en péril ou de prédiction de Mayas qui avaient la flemme de continuer leur calendrier : il n’y a qu’un tunnel (juré, comme dans le titre) qui s’effondre sur un mec lambda.
À vrai dire, c’est son principal intérêt. En effet, les films catastrophes hollywoodiens se sont enlisés dans une idéologie qui, après maintes redites, ne peut qu’emporter ces films dans la case navet ou nanar. Si, dès les années 90, il y avait bien évidemment une forme de dédouanement de la société quant au danger qui survient, bien évidemment, le fond idéologique change principalement après 2001. Ces films traduisent d’une angoisse profonde : la disparition des USA en tant que puissance, à cause d’une menace extérieure, au profit de pays émergents (ce n'est pas pour rien qu’il faut aller en Afrique pour être sauvé du cataclysme). Il s’agit également d’en revenir aux valeurs traditionnelles pour survivre et sauver la civilisation américaine : la catastrophe est une forme de punition divine pour une société pécheresse et la famille est toujours mise en avant comme seul salut et tant pis pour le nouveau mec de l’ex femme du héros comme dans 2012 (le divorce ça n’existe plus pendant la fin du monde visiblement). Bref, les films catastrophes américains, c’est : « la faute de toute le monde (alien, climat, force divine, etc.) sauf des Américains et surtout pas du gouvernement ».
Au milieu de tout ce fatras peu original, Tunnel fait beaucoup de bien.
La première chose qui saute aux yeux est que ce film n’est pas fait pour les claustrophobes. Notre héros, Jung-soo se retrouve coincé sous les décombres au bout de seulement six minutes. Les deux heures suivantes sont consacrées à sa survie dans cet espace restreint et aux secours qui tentent de trouver une solution. Le réalisateur, Kim Seong-hun souhaitait traiter principalement des conséquences de cet effondrement et sur l’humain et sur les forces mises en œuvre pour la survie et les mécaniques qui mène une société à baisser les bras. Il faut avouer que les scènes dans le tunnel sont particulièrement réussies, et la performance de Jung-Woo y est aussi pour quelque chose. Son personnage est un mec banal, sans histoire ni faute spéciale, il est le miroir du spectateur, ses réactions et décisions sont souvent celles de n’importe-quelle autre personne qui se retrouverait dans cette situation. Il ne s’agit pas non plus de deux heures de tension atroce continue : le film se permet quelques moments d’humour bien senti ou purement humains qui permettent de se relâcher un court instant et de s’attacher encore plus aux différents personnages. En terme de film catastrophe en huis clos c’est donc du très bon, les choix de réalisation de Seong-hun permettent de saisir chaque émotion parfaitement et les divers rebondissements ne sortent pas de nul part.
Une catastrophe qui s’est bel et bien produite plane au-dessus du film : celle du Ferry Sewol en 2014 qui avait fait 304 morts. Le naufrage était dû à des négligences (comme le tunnel ici) et le capitaine avait réussi à survivre en se faisant passer pour un passager et donc en abandonnant les autres (comme les politiques qui veulent se couvrir dans Tunnel). Le refus de l’abandon est incarné ici à la fois par Se-hyun, la femme de Jung-soo, et par Dae-kyoung, le responsable des opérations de sauvetage.
Tunnel s’attache à formuler une critique acerbe d’une société qui s’est enrichie très vite sans faire attention à la sécurité de ses citoyens. Les journalistes (ou voyeurs plutôt) sont tournés en dérision, tout comme les politiques qui cherchent plus la bonne photo. Petit à petit, l’antagoniste n’est plus la pierre qui risque de tomber sur Jung-soo, mais le mec en costard qui tente d’expliquer qu’une vie est moins importante que le coût des opérations de sauvetage. Mais il s’agit peut-être de son gros point faible : cette critique n’est pas assez poussée ou peut-être mal formulée. Seong-hun s’attache trop à vouloir tourner en dérision les différentes journalistes et politiques, l’impact se perd petit à petit, on rit d’eux mais on ne les déteste pas réellement. Cela va jusqu’à l’incompréhension puisque même les secouristes sont tournés en dérision alors que ce sont ceux (dirigés par Dae-Kyoung) qui ne lâchent justement pas le héros, le gag l’emporte donc par moment sur le sens. Il en ressort ainsi une dénonciation plutôt grossière.
Ainsi, malgré ses imperfections et son manque de justesse dans sa critique, Tunnel est un bon film catastrophe à taille humaine. Kim Seong-hun ne manque pas d’ambition et il me tarde de le revoir à l’œuvre.
Cultivez-vous et évitez les tunnels !
Ipemf
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