Attention, l'article suivant évoque, tout comme la série traitée, des sujets durs.
TW : deuil, harcèlement et injonction à la performance sur des enfants.
Salut chers toutes et tous ! Aujourd'hui il est temps de commencer à traiter des différentes web-séries que nous pouvons trouver sur les internets.
Pour rappel, une web-série (à ne pas confondre avec la websérie qui tient plus de la fanfiction et du roman) est une série *woah* composée de vidéos et diffusée sur internet. Le genre implique le principe d'accessibilité puisque bien souvent les plateformes d'hébergement de vidéos utilisées sont gratuites.
J'ai décidé de commencer par celle que je considère comme l'une des meilleurs (si ce n'est la meilleure mais le sujet fait débat) : Vidéo Game High School ou VGHS !
Commençons par les pénibles exercices de synopsis et de fiche technique. VGHS se déroule dans un futur proche dans lequel le jeu vidéo est devenu le sport de compétition le plus populaire au monde. De véritables célébrités pro-gamers sont adulées et des écoles sont créées partout dans le monde pour former les futurs rois du clavier et de la manette. L'une de ces célébrités, The Law, le maître du FPS Field Of Fire, est invité sur un plateau TV pour disputer une partie tirée au hasard. C'est dans cette partie que se trouve Brian, jeune joueur prometteur. Alors que The Law fait un carnage comme à son habitude, Brian arrive à l'éliminer d'une manière peu conventionnelle. Ce coup de chance vaut au jeune joueur inconnu une renommée internationale et une place dans la prestigieuse Video Game Highschool, une académie qui a pour but de former les meilleurs joueurs du monde et qu'on retrouve dans toutes les compétitions internationales de Field Of Fire.
Créé par Rocket Jump Studio (connus pour leurs vidéos sur Youtube), VGHS est composé de trois saisons et a été diffusée du 11 mai 2012 au 17 novembre 2014 d'abord sur le site de Rocket Jump puis sur la chaine de Freddie Wong (un maitre en matière d'effets spéciaux faits maison). Vous pouvez également retrouver les trois saisons sur Netflix. La série a été créée, écrite et réalisée par Matthew Arnold, Freddie Wong, Will Campos, Brian Firenzi et Brandon Laatsch.
Au niveau des acteurs nous retrouvons beaucoup de noms connus principalement des publics d'internet : Josh Blaylock (Brian Doheny / BrianD), Johanna Braddy (Jenny Matrix), Jimmy Wong (Ted Wong), Ellary Poterfield (Ki Swan), Brian Firenzi (The Law), Freddie Wong (Lui-Même), Harley Morenstein (Dean Ernie Calhoun et connu pour la chaine Epic Meal Time).
À noter que la série a été financée par un Kickstarter, à la base placé à 75 000$, but atteint en 24 heures et finalement arrivé à 273 725$ le 22 octobre 2011.
Passons à l'analyse en elle-même ! Nous n'allons pas nous attarder sur les questions de formes et de techniques. Il a déjà été dit que tous les acteurs rendaient leurs personnages attachants (mention spéciale à Firenzi absolument hilarant en The Law), on sent que les effets spéciaux sont faits par des connaisseurs même s'ils gardent un côté fait-maison fort sympathique, les scènes de jeu tournées en images réelles sont bien pensées, l'action design est étudié, l'humour est omniprésent sans baisser les enjeux narratifs, bref, presque que du tout bon !
Nous allons plutôt nous attarder sur ce qui fait la force de cette web-série : le fond.
Commençons par les enjeux narratifs. On pourrait penser que ces derniers ne s'arrêtent qu'à la frontière du jeu vidéo justement : on joue, on perd ou on gagne, pas de répercussion sur la vie des joueurs (on utilisera les termes IVL pour les jeux et IRL pour la vie réelle si vous voulez bien), c'est en tout cas ce à quoi une certaines web-série française nous a habitué (on y reviendra). Mais c'est tout le contraire, rappelez-vous, on parle ici de compétition, de pro-gaming. Chaque partie que disputeront les personnages aura un impact sur la suite de leurs études et de leur parcours dans le monde du E-Sport. Mais pas que ! Pour Brian par exemple il s'agit d'affirmer son identité propre, de sortir de sa chambre de jeune joueur amateur pour entrer dans l'arène médiatisée des joueurs pro. Pour Jenny il s'agit d'exister auprès d'une mère qui l'a délaissée. Pour Ki le but est de prendre son indépendance par rapport à ses parents. Nous parlons ici d'un sport et donc de facteurs humains ! Il s'agit de donner un grand coup de poing sur la table pour montrer aux plus sceptiques que le fait de jouer, d'être porté sur un monde virtuel, peut avoir un impact sur la vie IRL de chacun, au delà de toutes questions d'addiction. Ces enjeux nous permettent d'être toujours à fond dans l'action, d'avoir peur pour nos héros ou au contraire d'être contents pour eux, bref, d'avoir de l'empathie ou de l'antipathie, le fondement même de tout récit.
J'ai parlé précédemment d'une certaine web-série française, les connaisseurs auront compris que je parle de la série Noob. Nous en parlerons dans un futur article donc je ne vais pas m'attarder longtemps sur la question mais pour faire simple : dans Noob, rien n'est important. Aucune action que les personnages feront dans le jeu n'aura de répercussion sur leur vie et c'est là la plus grande différence de qualité entre ces deux séries. Noob est une web-série, VGHS est une web-série humaine à la portée sociale.
Cela se voit notamment dans les thèmes abordés dans VGHS et nous allons tout de suite nous pencher sur les deux principaux.
Tout d'abord, nous suivons les aventures de jeunes dans une université, chose qui laisse le champ libre à un thème très important et fort : les enfants dans le monde de la compétition. On a tous déjà vu des reportages sur des jeunes qui pratiquent le sport à haut niveau, vous en connaissez peut-être vous aussi. Parfois (souvent je l'espère) cette vie sportive n'a pas un impact trop important sur leur vie, mais on peut aussi basculer rapidement vers des problèmes bien plus graves. Dans la série on comprend très vite que ce monde de compétition demande aux personnages de grandir plus vite qu'il ne le faut. C'est notamment le cas avec Jenny, fille d'une championne internationale de FPS qui souhaite s'élever au même niveau que sa mère. Au fil du temps cela ronge la jeune fille qui, pour ne pas arranger le tout, est aussi une victime indirecte de ce monde de la compétition puisqu'elle n'a pas pu bénéficier de l'apport éducatif et affectif de sa mère (cela donne lieu à une scène absolument bouleversante d'ailleurs). Cela se voit aussi avec la médiatisation dont peuvent être victimes les joueurs, leur mettant une bien trop grande pression. Certains ont critiqué le fait que la série tournait beaucoup des intrigues amoureuse. Ils n'ont visiblement pas vu tout l'intérêt thématique : ces jeunes se lancent dans une relation à la base fragile mais qui se consolide puisqu'ils gagnent en maturité. C'est donc une évolution basée encore une fois sur le même thème et il faut foncièrement ne pas avoir de cœur pour ne pas ressentir de l'affection pour ces personnages.
À l'instar du rugby, du foot, du basket et autre, le jeu vidéo peut être un sport. Quand des jeunes entrent dans le monde semi-pro ou pro, cela peut avoir une répercussion directe sur leurs corps, leurs sociabilisations, leurs psychologies. Il en est de même pour les personnages de VGHS et c'est très bien rendu.
Le deuxième thème principal est évidemment le monde du pro-gaming. Nous sommes en plein dans une évolution majeure et constante du jeu vidéo, de la façon dont les media l'abordent, des compétitions qui se multiplient, de l'économie qui se compose autour de celles-ci.
On peut avoir un aperçu de ce que cela pourrait donner dans un futur plus ou moins proche. Il y a évidemment les bons aspects : le jeu vidéo enfin pris au sérieux, des gens qui vivent des compétitions et donc de leur passion, etc. Mais les créateurs ont également voulu tirer la sonnette d'alarme. En effet les mauvais aspects de ce monde se reflètent dans le personnage de The Law : dans n'importe quel domaine, la compétition peut donner naissance aux personnes les plus abjectes et mauvais qui existent. On le voit aussi avec l'économie qui est liée au pro-gaming dans VGHS avec des compagnies qui possèdent leur propres équipes professionnelles et qui tentent par la même occasion de s'étendre en dehors des compétitions (*tousse* Webedia *tousse* Millenium *tousse*).
Le message est simple : on peut donner une dimension professionnelle et sportive au jeu vidéo. Mais il est important de ne pas tomber dans l'économie classique des autres divertissements de masse qui enlève tout le côté social et l'amusement pour ne garder que le profit purement matériel. Comme le dit la devise de VGHS, régulièrement rappelée par le doyen Calhoun (personnage à la fois drôle et attachant d'ailleurs) : It's All About The Game.
J'aurais pu parler plus longuement de cette série tant elle est intéressante mais cela serait beaucoup trop long (nous n'avons pas du tout abordé les points négatifs, il y en a quelques uns mais ce n'était pas le propos ici). La seule chose qu'il me reste à faire maintenant est de vous encourager à regarder Video Game High School, que ce soit sur Netflix ou sur toute autre plateforme web.
En réalité, si j'ai tenu à parler de cette série avant une autre, c'est pour pouvoir l'utiliser contre son penchant français dans un prochain article. Nous aborderons donc la prochaine fois le cas compliqué de la web-série Noob et je sens que je ne vais pas faire des heureux tant elle est adulée par la communauté française…
En attendant n'oubliez pas, cultivez-vous !
Ipemf
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