Mettons plus d’autrices dans nos bibliothèques ! – La Mythologie de Madeline Miller

J’ai une confession à faire : à quelque deux millénaires près, Alexandre Le Grand et moi-même faisons partie du même fandom. Tout comme lui, je suis une grande fan de L’Illiade (Et il est possible que j’aie écrit quelques fanfictions dessus dans ma jeunesse…). J’adore la mythologie grecque, il y est question d’honneurs, de pouvoirs, d’amours immortels, et de destins impossibles. S’aventurer du côté des mythes antiques, c’est découvrir des cités oubliées et âges hors du temps, rencontrer monstres et héros et converser avec des dieux immortels. Et puis, il n’y a vraiment pas mieux pour pleurer, s'énerver et maudire la terre entière. Ça peut sembler étrange, mais une bonne séance de larmes devant un bon livre, ça fait toujours du bien. 

Bien sûr, les travaux d’Homère peuvent être assez intimidants à approcher mais il serait si dommage de laisser passer de telles histoires, alors laissez moi vous présenter l’une de mes autrices préférées : Madeline Miller et ses réécritures de mythes antiques.

 

Madeline Miller
Une réécriture des mythes antiques

Madeline Miller est historienne et professeure de grec ancien. Elle a grandi avec L'Iliade et a longuement étudié cette mythologie. Si bien que ses livres ne sont pas de simples réécritures, mais bien des témoignages d’une connaissance profonde de la psyché de ces héros et héroïnes, de ces monstres et immortel’les, tout cela sublimé par une plume leur rendant toute leur humanité. 

La mythologie grecque est dure, violente et cruelle. Les divinités aiment à jouer avec le destin de pauvres mortel’les dans le simple but de donner un soupçon d’intérêt dans leurs existences ternes et vides de sens. Ces livres évoquent des sujets dures, ils vous couperont le souffle et vous feront pleurer. Ce ne sont pas des lectures faciles. J’adore ces livres, mais encore une fois, j’aime les histoires qui font pleurer, ce n’est pas forcément le cas de tous, mais je peux vous assurer que si vous décidez de leur donner une chance, vous ne le regretterez pas. 

Le Chant d’Achille

Un amour ayant changé le destin dicté par les Moires elles-mêmes

 

Autrice : Madeline Miller

Genre : historique, réécriture

Nombres de pages : 383

Synopsis : Patrocle, jeune prince maladroit, est exilé à la cour du roi Pelée. Il y rencontre Achille, son exact contraire, doué pour tout ce qu’il entreprend. Malgré leurs différences, les deux jeunes hommes deviennent inséparables.
Quand débute la guerre de Troie, Achille part combattre. Tiraillé entre son amour pour son ami et la peur du danger, Patrocle décide de l’accompagner. La violence des hommes et des dieux transformera leur histoire en drame. 

TW : mort, guerre, mention de viol

 

« Aucune loi n'oblige les dieux à être justes, Achille, reprit Chiron. Et après tout, peut-être que l'ultime chagrin consiste à se retrouver seul sur terre une fois que l'autre est parti. »

 

Achille et Patrocle sont des habitués des adaptations et réécritures, la Guerre de Troie nous est familière, on a l’habitude de la voir portée sur grands écrans. Cependant, il y a une partie qui est bien souvent laissée de côté : la relation entre les deux protagonistes. On les représente comme cousins, comme de très bons amis, jamais comme amants. Madeline Miller, ici, reste fidèle au récit d’Homère, elle n’efface en rien leur amour et comblent les pages oubliées par le temps.  
Le Chant d’Achille commence par l’exil du jeune Patrocle à la cour du Roi Pélée, il est timide, maladroit, en colère, son propre père l’a renié et sa mère ne se souvient même pas de lui. Il rencontre Achille qui est tout son contraire : demi-dieu fils d’une Néréide, un grand destin l’attend. Si ce livre traite de la dureté de la Grèce Antique, de l’exil et de la guerre, de sang, d’honneur et d’héritage, il est aussi terriblement doux par moments. On suit l’histoire d’amour grandissante de deux jeunes garçons espiègles et un peu gauches qui passent leurs après-midi à jongler avec des figues et courir sur la plage. Ils se rapprochent autour d’un cours de lyre. Ils rient, ils chantent, ils discutent et ils tombent amoureux, d’un amour qui a failli changer le destin prédit par les Moires elles-mêmes.

Ce qui fait la force de ce livre, c’est son côté humain : l’humanité qui tente de survivre au milieu des horreurs. Achille s’il est ce personnage à qui tout réussit, promit à la postérité dès sa plus tendre enfance, il n’en reste pas moins humain, malgré cette apparente perfection, il est prompt à l’énervement, il est orgueilleux et surtout, il est capable d’aimer. Miller le montre tel que le voit Patrocle, c’est par ses yeux que l’on découvre Achille. On le voit grandir de cet enfant privilégié à un homme déchiré entre les attentes de tous les Grecs reposant sur ses épaules et ses propres sentiments. 
Si vous avez lu LIliade ou connaissez au moins le mythe, vous savez que ce livre ne peut finir qu’en tragédie et pourtant de ces pages ressort un profond espoir, ce sentiment que peu importe la fin, finalement tout ira bien et que le plus important, c’est le présent. Le temps passé avec ceux qu’on aime.
Je connaissais l’histoire, dès les premières pages je savais où me conduirait Madeline Miller et pourtant, je n’avais aucune idée de ce que j’allais lire. C’est un peu comme aller voir un concert de musique classique, on peut déjà connaître le morceau, on est surpris par tout ce que peut y apporter en plus un bon musicien. Je ne verrai plus jamais Achille et Patrocle de la même façon, Madeline Miller les a modifiés à tout jamais pour moi.  

Le style de Miller est simple, fluide, terriblement doux. J’ai vu certaines critiques le lui reprocher, dire que cela donnait une impression bas de gamme de L’Illiade, mais au contraire, c’est ce qui, je trouve, fait la force de ce livre. Le rôle de Patrocle dans Le Chant d’Achille est de couper à travers la légende, le mythe du héros pour nous montrer son côté infiniment humain. Le héros de guerre demande des métaphores pompeuses et des tournures alambiquées pour conter sa légende, mais l’humain, l’homme derrière tout ça, celui plein de tendresse, d’insécurité et d’honnêteté, cet homme-là demande ce style doux pour le décrire. Il a besoin des conversations endormis au cœur de la nuit, et des baisers échangés sur la plage. Il demande les histoires racontées près du feu et les après-midi étendus dans l’herbe sous un soleil d'été. L’Achille qui a des rêves et des espoirs pour une vie auprès de celui qu’il aime. 

« Nous étions comme des dieux à l'aube du monde, en proie à une joie si vive qu'elle nous rendait incapables de voir autre chose que l'autre. »

 

Circé

Une immortalité vide de sens

 

Autrice : Madeline Miller

Genre : historique, réécriture

Nombres de pages : 549

Synopsis : Hélios, dieu du soleil, a une fille : Circé. Elle ne possède ni les pouvoirs exceptionnels de son père, ni le charme envoûtant de sa mère, mais elle se découvre pourtant un don : la sorcellerie, la maîtrise des poisons et la capacité à transformer ses ennemis en créatures monstrueuses. Peu à peu, même les dieux la redoutent. Son père lui ordonne de s'exiler sur une île déserte sur laquelle elle développe des rites occultes et croise tous les personnages importants de la mythologie : le minotaure, Icare, Médée et Ulysse... Mais cette existence de femme indépendante, en rupture avec sa famille, inquiète les dieux et effraie les hommes. Pour sauver ce qu'elle a de plus cher à ses yeux, Circé doit choisir entre ces deux mondes : les dieux dont elle descend, les mortels qu'elle a appris à aimer.

TW : viol, agressions sexuelles, accouchement avec complications 

 

« Jadis, je pensais que les dieux étaient le contraire de la mort, mais je vois maintenant qu’ils sont plus morts que tout le reste, car ils sont immuables et ne peuvent rien tenir dans leurs mains. »

 

Sa voix, trop simple, presque mortelle, grince aux oreilles des dieux immortels dont elle descend, son père la trouve insignifiante, sa mère la moque, ses frères et sœurs la haïssent. Son père est le Dieu du Soleil et sa mère, la plus belle des nymphes. Les humains ne la craignent pas. Elle est invisible pour les dieux et qu’une simple femme pour les mortel’les. Elle n’a pas la prestance des dieux, ni leurs pouvoirs divins. Elle n’est presque rien. Elle ne rayonne pas comme ses frères et ses sœurs, alors elle reste à l’écart, se fondant dans leurs ombres. 
Pour avoir désobéi, pour avoir fait entendre sa voix, Zeus la punira et l’exilera sur l’île d’Æaea, seule, prisonnière et pourtant plus libre qu’elle ne l’a jamais été. Elle vivra avec les lions et les loups, apprendra les plantes et développera sa sorcellerie. 
Des années passent, des âges entiers, générations après générations le monde se transforme, évolue, Circé, elle, reste la même. Parfois, un bateau approchera de son île, des hommes en descendrons, ils ne verront en elle qu’une simple femme, ils auront tort de la sous-estimer. Et quelques fois, ce seront des héros, qui descendront sur son île, ou bien des dieux dont elle aura enfin fini par capter l’attention. Elle conversera avec Ulysse, Dédale et Médée, assistera à la naissance du Minotaure, couchera avec Hermès et attirera la colère d’Athéna.

Ici encore, l’écriture est douce, fluide, mélancolique. L’histoire nous est racontée à la première personne par Circé elle-même, et s’il est difficile de traduire de l'immortalité d’un dieu, c’est pourtant fait avec brio. On sent la langueur des jours d'une immortelle, on sent sa solitude, la tristesse inhérente à sa situation, à la fausseté de sa vie. Si l’on peut appeler cela une vie. Une vie sans mort peut-elle véritablement être qualifiée de vie après tout ? 
Madeline Miller nous fait pleurer et désespérer auprès de Circé, mais elle nous fait aussi tomber amoureuxses. Aimer des hommes lorsque leurs vies ne représentent qu’un simple battement de cœur immortel. Circé est l’histoire de cette femme trop mortelle pour les dieux et trop déesse pour les mortel’les. L’histoire de la fille du Soleil qui se fondait dans les ténèbres, mais qui ne renoncera plus jamais à sa liberté après y avoir goûté. 

« Dans une existence solitaire, il existe des moments rares où une autre âme plonge tout près de la vôtre, comme les étoiles qui s’approchent de la terre une fois par an. Pour moi, il avait été ce genre de constellation-là. » 

 

Ce que l’on retrouve chez Madeline Miller, ce sont des histoires qui tentent de redonner une part d’humanité aux grands mythes. Sa plume est intelligente, pleine de références à L’Illiade et L’Odyssée d’Homère, mais sans jamais être lourde. Même si vous ne connaissez rien à ces mythes, vous vous laisserez transporter dans ces pages. Et si au contraire, vous pensez y être familier, vous serez surpris’es. Ces personnages ne seront plus jamais les mêmes après avoir lu Madeline Miller, je peux vous l’assurer. Alors lisez, et n’oubliez pas : il n’est jamais prudent de se mettre sur le chemin des dieux. 

Manuela

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