[Documentaire] Première Campagne

Je l’ai déjà dit dans ma critique portant sur Depuis Mediapart, j’apprécie tout particulièrement les documentaires sur la profession journalistique.
Le film précédemment cité proposait de suivre les membres de la rédaction de Mediapart lors de la campagne présidentielle de 2017, et en profitait pour dresser un état des lieux de la profession, de la place de ce média et de la proposition particulière qu’il porte, mais aussi ce temps médiatique exceptionnel qui s’est soldé par l’accession au pouvoir de Macron. C’était un documentaire complet. La Cravate proposait également quelque chose d’intéressant : suivre un militant du FN pendant cette même campagne, tout en s’interrogeant sur ce qui peut conduire un jeune comme le protagoniste du film à s’engager dans les voies du fascisme. Là encore, il s’agissait d’un excellent documentaire.
Celui qui nous intéresse aujourd’hui ne peut pas recevoir d’éloges similaires. Première Campagne se déroule également pendant cette période électorale hors normes. Cette fois-ci, nous suivons Astrid Mezmorian, journaliste politique novice, qui va faire ses armes en suivant celui qui débute également dans ce jeu politico-médiatique : Mr “Nous sommes en guerre” Macron.

Comme vous pouvez le lire dans le synopsis ci-dessous, le film proposerait, par le biais de sa protagoniste, d’apporter une réflexion neuve sur le métier de cette dernière ainsi qu’un regard inédit sur la campagne présidentielle. En réalité, il s’agit de publicité mensongère et Première Campagne ne vaut pas mieux qu’une diffusion TV sur BFM. 

Date de sortie : 17 avril 2019

Réalisatrice : Audrey Gordon

Genre : Documentaire

Synopsis : Fraîchement débarquée au service politique de France 2, Astrid Mezmorian doit suivre le plus jeune candidat à la présidentielle pour son baptême de campagne électorale. Deux mois de marathon pour deux novices… L’occasion pour l’une d’une réflexion inédite sur son métier et pour l’autre de conquérir l’Élysée. Une plongée exceptionnelle dans les coulisses de France Télévisions qui dévoile un nouveau regard sur la campagne présidentielle !

 

Le film est disponible en VOD sur CinéMutins : 4€ en location d'une semaine, 12€ à l'achat.

Première Campagne n’est pas dénué d’intérêts, mais sa réalisatrice n’a pas su les exploiter. Dans une fiction, assister aux débuts d’une journaliste est l’assurance pour les spectateurs de découvrir ce monde par ses yeux. Dans un documentaire, l’intérêt est le même. Et ici, on nous propose ce fameux sentiment d’urgence constante, la quête éperdue pour dénicher le gros titre, la phrase qui pourra être analysée jusqu’à en épuiser les dernières lettres. Nous le ressentons dès les premiers instants du métrage avec notre protagoniste qui s’apprête à descendre du train avec son équipe, telle des soldats américains sur le point de se parachuter dans le ciel Normand. Astrid Mezmorian est lâchée au beau milieu de cette bataille médiatique et découvre avec nous ses aspects les plus difficilement supportables : l’amoncellement de perches de micro et de caméras autour de Macron, la difficulté de se frayer un chemin parmi cette horde pour poser à son candidat attitré les questions qui justifient (d’une certaine manière) le salaire de la journaliste, les bousculades déclenchées par les badauds en quête du selfie de leur vie, etc. L’une des qualités majeures de Première Campagne est que l’on assiste à la fabrication de reportages, avec ses recettes maison et ses galères quotidiennes. Ces passages permettent d’amener certains questionnements que la journaliste se pose en compagnie de son cameraman ou de ses collègues plus âgés.
Le principal atout que l’on reconnaîtra au film est sa protagoniste, Astrid Mezmorian, qui se révèle être particulièrement attachante de spontanéité. Investie dans sa mission d’information, elle n’hésite pas à envoyer paître les petits Marcheurs qui essaient de lui interdire de filmer à tel ou tel endroit. (Comme quoi, déjà à l’époque la liberté de la presse n’était pas vraiment une priorité pour LREM) L’énergie de la journaliste force le respect et c’est lors de ses moments de doute, de stress et de fatigue intense que l’on perçoit au mieux à quel point son métier ne peut jamais être simple. 

Mais tout ceci ne reste qu’en surface. La durée du film, 1h12, ne permet pas de développer un seul des sujets abordés. Pourtant, il y avait de quoi faire. Certes, nous assistons aux débuts et doutes d’une journaliste politique mais ses réflexions sur son métier ne sont jamais vraiment étudiées en profondeur, contrairement à Depuis Mediapart dont c’était le but principal. Première Campagne a été réalisé par Audrey Gordon, qui a fait ses études à Science-Po avec la protagoniste, Astrid Mezmorian, qui est sous les ordres de Nathalie Saint-Cricq, responsable politique de France 2. En une phrase, trois femmes ont été citées mais jamais nous n'aurons d’interrogation sur ce que c’est qu’être une femme dans le journalisme, la politique, ou le journalisme politique, alors que ça aurait pu être l’angle majeur de ce documentaire. De la même manière, à un moment, le film fait une pause nécessaire pour nous proposer une scène où la journaliste discute avec son père. Ce dernier explique que, selon lui, Macron est une construction médiatique. Là encore, la réalisatrice ne reste qu’en surface de ce qui semble être, pourtant, un autre angle d’attaque passionnant. De même, le fait qu’une équipe de film ait pu poser sa caméra à France 2 est de l’ordre de l’exceptionnel. Alors pourquoi n’avons nous pas eu d’interrogation sur la place, la casse et le devenir du service public télévisuel en France ? C’est pourtant un sujet tristement d’actualité, à l’heure où les radios et chaînes publiques doivent faire face à la réduction de leurs moyens et où France 4 et France Ô sont en attente sur leur sort.
Un documentaire qui ne prend pas de hauteur sur son sujet de base, qui se refuse à aller plus loin en interrogeant quelque chose de plus grand, n’est rien d’autre qu’un long reportage. Et c’est d’autant plus frustrant quand il y avait tant de points à aborder. 

Première Campagne a une proposition très intéressante : suivre une débutante dans le journalisme politique qui doit couvrir les déplacements d’un débutant en politique, lors de la campagne présidentielle la plus hallucinante et hallucinée de l’histoire de la Ve République. Mais il se contente de suivre du mouvement, sans se poser pour analyser le pourquoi de ce mouvement.
Audrey Gordon a fait une erreur majeure : elle s’est contenté du “elle” et n’a pas invoqué le “nous”. 

Prenez soin de vous, et, si vous le voulez et le pouvez, cultivez- vous !

Ipemf
Article corrigé par Mahikan

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