[Comics] Daredevil par Frank Miller Tome 1

Avertissement : l’œuvre analysée traite de sujets qui peuvent être difficiles pour certaines personnes, comme la mort.

Bonjour à toutes et à tous, on se retrouve aujourd'hui pour parler du premier tome de Daredevil par Frank Miller, publié par Panini en août 2014 dans la collection Marvel Icons. Pour rappel, cette collection a pour but de ressortir des runs qui ont marqué un tournant pour un personnage ou même pour l'industrie. Ici, il s'agit même d'un cas d'école puisque le travail de Miller sur Daredevil a non seulement redéfini le personnage mais il est aussi l'un des points de départ à ce que l'on nomme le « modern age » dans l'histoire des comics.

Pour résumer grossièrement, à la fin des années 70, le média tourne en rond et il est en perte de vitesse. La solution qui est trouvée pour contrer ce problème est de laisser plus de liberté aux auteurs pour qu'ils puissent livrer des récits plus matures. Cela nous amène au début des années 80, période à laquelle les vannes se sont totalement ouvertes et où il n'est plus tabou de parler de violence dans les comics. C'est cette période que l'on nomme le « modern age » et qui est symbolisé par des œuvres comme la mini-série Crisis on Infinit Earth, le Watchmen (1986-1987) d'Alan Moore ou encore The Dark Knight Returns (1986) du même Frank Miller. Mais vous devez bien vous douter que je ne vous ai pas fait ce speech juste pour le plaisir d'étaler ma science, en effet, si l'on prend Miller comme exemple, il a eu besoin d'une sorte d'échauffement avant d'entrer dans le vif du sujet et c'est ce qui nous donne Daredevil.

On ne va pas se mentir, si j'ai lu cet album, c'est pour ses qualités historiques plus qu'autre chose. En effet, je pense que comme beaucoup j'ai été attiré vers l'homme sans peur après avoir vu la série Netflix qui lui est consacrée. Là-dessus, on retrouve ce qui nous est promis. À la fois au poste de scénariste et de dessinateur, Miller fait évoluer le héros costumé dans les ruelles crasseuses  où il ne fait pas bon sortir sans être armé et dans les bars miteux de New-York où la criminalité de bas-étage a ses habitudes. C'est aussi l'occasion à une narration qui empreinte ses codes aux films noirs et plus généralement au mythe du détective hard-boiled. Soyez prévenus, Daredevil a la fâcheuse habitude de se parler seul à la première personne. Même le narrateur s'y met, c'est vous dire.

illu daredevil #1

Mais ce n'est pas le seul milieu décrit. Avec Matt Murdock, l'alter-ego civil de Daredevil , Miller prend aussi le temps de décrire le milieu de la criminalité en col blanc, notamment les hommes politiques, ceux qui échafaudes leurs plans dans des salles de réunions enfumés aux derniers étages de buildings de luxe. Ça vous rappelle un certain homme-chauve-souris ? Vous n'êtes pas les seuls.

Plus surprenant, on a aussi le droit à une facette plus fantastique de l'univers : le monde des « ninjas ». Cette fois, l'inspiration est plus à chercher du côté du cinéma hongkongais et elle est introduite avec le personnage d'Elektra, une création originale de Miller qui fait ici ses premières armes. Elle et les autres antagonistes de ce tome sont l'occasion à de nombreux combats vraiment réussis, notamment grâce au découpage des planches qui traduis l'agilité des personnages. On est bien loin des gaufriers de neuf cases répartis sur trois lignes et trois colonnes. Cette réussite est aussi à mettre au crédit de l'encreur, Klaus Janson, dont le travail sur les ombres renforce la dimension sombre et pessimiste de l’œuvre, mais aussi des coloristes, Glynis Wein étant la principale, qui accentuent l'opposition symbolique entre les personnages.

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Voilà ce qu'il en est de la retranscription de l'univers, à côté de ça ce tome souffre quand même d'un gros problème : son rythme. Contrairement au Dark Knight Returns qui sortira quelques années plus tard, ces chapitres ne forment pas un graphic novel qui se lirait en une fois. Ils font partis d'un type de séries que l'on qualifie d'on-going, c'est à dire publiés à raison d'un chapitre par mois. Ce format a un gros défaut, il doit en théorie être accessible aux nouveaux lecteurs et être facilement compréhensible à ceux qui auraient loupé un numéro. En conséquence, chaque acte est obligé de résumer dans ses premières pages ce qui s'est passé précédemment, c'est d'ailleurs là que l'on comprend l'utilité de la narration à la première personne même si on se prend à douter de la santé mentale de Daredevil qui se réexplique sans arrêt l'origine de ses pouvoirs. Cela a aussi pour effet de rendre l'introduction d'Elektra très artificielle. En un seul chapitre, sa romance passée avec Murdock et son statut d'assassin d'élite deviennent des faits établis, sans plus d'explication.

La forme de publication a aussi pour conséquence de rendre le rythme global du tome très inégal. On pourrait décrire ça comme ce que l'on ressent dans des montagnes russes. Le premier numéro est une introduction à un premier arc scénaristique qui couvre les trois numéros suivants. Viennent ensuite une autre phase de remplissage qui introduits un second acte de plusieurs chapitres qui se termine cette fois sur un cliffhanger qui sort d'on ne sait trop où. Je ne m'attarderai pas trop sur les deux chapitres qui clôturent le tome, respectivement un team-up (une histoire qui réunit plusieurs héros) et un what if (une histoire qui part d'un postulat plus ou moins improbable, ici : "Et si Daredevil était un agent du SHIELD ?") anecdotiques qui sont plus là pour ne pas laisser de pages blanches à la fin du Hard Cover (une volume cartonné, par opposition aux singles qui sont souples). Mais on ne va pas se quitter sur une note négative, ce découpage donne aussi l'occasion à l'auteur de réaliser quelques exercices de style, je pense surtout à un chapitre qui se trouve au milieu du bouquin et qui donne lieu à des flash-back en noir et blanc plus que convaincants (Si je vous dit que le personnage de Stick est introduit dans ce chapitre ça ne vous rappelle rien ?).

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Finalement, sûrement comme beaucoup de lecteurs je me suis dirigé vers ce premier tome de Daredevil par Frank Miller pour combler ma culture générale « comic-esque ». Là-dessus, je n'ai pas été déçu. J'y ai trouvé ce que je cherchais, un héros qui combat la petite criminalité qui gangrène les rues de New-York même si toute la facette juridique est plus en retrait que ce à quoi je m'attendais. Pourtant il me reste un regret, il aurait été peut-être plus pertinent de lire des œuvres antérieurs à celle-ci pour mieux comprendre ce qu'elle a de révolutionnaire. Sur ce, je vous souhaite une bonne journée, à la prochaine et n'oubliez pas : cultivez-vous, ce tome aide et si vous voulez aller plus loin je vous conseille grandement de poursuivre  avec The Dark Knight Returns du même auteur.

Koukarus

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